Structure et histoire simplifiées

par B. Papion - Terre & Océan - revu par J.P. Platel et M. Vigneaux

L’Aquitaine est, au point de vue géologique, un bassin   sédimentaire. Il s’agit d’une zone « réceptacle » de dépôts, issus de l’érosion des massifs montagneux environnants : au nord, les massifs armoricain et vendéen, au sud, la chaîne des Pyrénées et à l’est, le Massif central et la Montagne noire. Il est ainsi le lieu d’une sédimentation importante pendant des millions d’années engendrant un enfoncement rapide des couches ; on parle de subsidence.

Le Bassin   aquitain peut aujourd’hui se définir comme une vaste demi-cuvette de forme triangulaire, ouverte à l’ouest sur l’océan atlantique.

Naviguez avec le sommaire ci-dessous afin de découvrir les étapes de l’histoire géologique de l’Aquitaine :

1. Caractéristiques géologiques de l’Aquitaine

Le socle (roches profondes) est ancien et très érodé, vestige de la chaîne « hercynienne » ou « varisque », érigée à la fin du Permien (fin de l’ère primaire, autour de 230/210 millions d’années) sur un continent unique appelé « Pangée ». Il est recouvert par des couches sédimentaires qui se sont déposées au cours du temps. L’étape ultime du « remplissage » est le dépôt, en son centre, de sédiments fluviatiles et de sables éoliens au cœur des Landes.

L’observation de la carte géologique de l’Aquitaine met en évidence une disposition classique des terrains en auréoles concentriques avec des roches à l’affleurement   plus récentes au centre et plus anciennes vers les bordures du bassin  .

Carte géologique simplifiée de l’Aquitaine


Une « dissymétrie » s’observe dans les dépôts visibles en surface entre le nord et le sud de la région. En effet, les couches géologiques ont une extension plus réduite au sud qu’au nord, montrant des roches comprimées au sud, phénomène dû à la formation de la chaîne des Pyrénées, résultants des importantes forces de compression dues à la collision entre l’Europe et l’Ibérie.

Le Bassin   aquitain montre une autre dissymétrie de part et d’autre d’une ligne allant d’Arcachon à Toulouse et appelée parfois « flexure celte-aquitaine », souvent associée au cours actuel de la Garonne. Elle délimite deux zones dans lesquelles l’évolution des paysages s’est faite différemment au cours des temps :

  • au nord, = zone de la plate-forme nord-aquitaine. Les terrains sont disposés en profondeur en strates régulières, témoins d’une sédimentation sur l’ancienne plate-forme marine bordant le sud-ouest du Massif central (sédimentation réduite, plusieurs phases d’émersion, profondeur du socle hercynien jusqu’à 2000 mètres, avec la présence de plis, de rides et de dépressions intermédiaires) ;
  • au sud, = zone de fosses profondes. Les dépôts sont beaucoup plus épais, héritage d’un « long passé marin ». On note la présence de zones subsidentes (qui s’enfoncent), comme à Parentis, et à proximité de l’estuaire de l’Adour. Dans ces zones s’accumulent d’épaisses couches de sédiments qui seront par la suite plissées lors de la formation des Pyrénées (tectonique plus complexe, sillons, rides anticlinales de direction et d’âge pyrénéens).

2. Une histoire plus complexe qu’il n’y parait !

Le Bassin   aquitain a jouit pendant longtemps d’une réputation de « demoiselle paisible à mise simple ». En effet, il était admis, jusqu’au milieu du XXème siècle, que l’Aquitaine était un bassin   sédimentaire à formation « classique » et son sous-sol ne devait renfermer par conséquent que peu « d’accidents géologiques remarquables ».

Pourtant, à la lumière des avancées scientifiques et des techniques permettant, à partir de 1950, d’ausculter les terrains profonds, notamment avec les forages pétroliers ou la géophysique, il est apparu des témoins d’une complexité insoupçonnée du sous-sol aquitain. Notamment, des réseaux de plis, de failles, voire de flexures, ont été mis en évidence.

En surface, plusieurs indices témoignent de cette complexité :

  • des affleurements   de calcaires crétacés, témoins de plis (ou anticlinaux) qui apparaissent en surface en perçant la couverture de terrains tertiaires. C’est le cas, entre autres, des plis (ou « rides ») de « Villagrains-Landiras-StMagne », de « Blaye », de « Jonzac » ou, plus au sud, de « Roquefort des Landes-Créon » ;
  • des remontées de sel triasiques (ou pointements salifères) et des plis de terrains crétacés et éocènes, notamment en Chalosse (dans la région de Dax et de Bastennes-Gaujacq) ;
  • le tracé des fleuves et la direction générale des « objets morphogéologiques » du paysage aquitain qui sont globalement orientés nord-ouest/sud-est : direction de l’estuaire de la Gironde, de la rive nord de certains lacs côtiers, de la rive nord du Bassin   d’Arcachon, de la direction de la Garonne et de la Dordogne. Cette direction est très ancienne et héritée de l’ère primaire (entre le Carbonifère et le Permien) lors de la formation de la chaine « hercynienne ».

Schéma des structures géologiques profondes de la Gironde [d’après Prud’Homme et Gottis, 1966 et Gely et Sztrakos, 2000, modifié]

A : Faille de l’estuaire, B : Faille de Bordeaux, C : Faille de la Leyre, D : Flexure celtaquitaine ; 1 : Anticlinal   de Jonzac, 2 : Anticlinal   de Couquèques, 3 : Synclinal   Hourtin-Pauillac, 4 : Anticlinal   Listrac-Blaye, 5 : Anticlinal   de Carcans, 6 : Synclinal   de Bordeaux, 7 : Anticlinal   de Villagrains-Landiras

L’image que l’on peut se faire de l’histoire de l’Aquitaine est celle d’un rift ou fossé d’effondrement résultant de l’étirement du socle hercynien ancien et profond, scindé en deux plaques tectoniques (européenne au nord et ibérique, au sud) qui s’écartent.

3. Histoire du remplissage du bassin  

En profondeur, l’organisation des dépôts a permis de reconstituer l’histoire du remplissage du Bassin   aquitain depuis la fin du Primaire.

3.1 Pendant le Trias (251 à 200 Ma)


Les mouvements tectoniques entrainent l’ouverture d’un rift (ou fossé) de Gascogne, grande cassure le long d’un axe grossièrement est/ouest qui sera, par la suite, celui des Pyrénées.

Le socle hercynien se disloque par une série de failles orientées nord/est-sud/ouest. Des dépôts se mettent en place dans de petits fossés d’effondrement allongés le long de ces failles. On les assimile à des sortes de « gouttières » dans lesquelles les sédiments vont pouvoir se déposer.

Les dépôts sédimentaires de cette période sont des grès bigarrés et des argiles (au Trias inférieur), des calcaires coquilliers et des argiles (au Trias moyen) et des dépôts salifères, sel et gypse (au Trias supérieur).

3.2 Pendant le Jurassique (200 à 145 Ma)


La mer pénètre peu à peu dans la zone en empruntant les « gouttières » creusées dans l’ancien socle hercynien.

3.2.1 Au Jurassique inférieur (200 - 175 Ma)

La sédimentation est de type lagunaire et évaporitique jusqu’au Lias (180 millions d’années) au centre du bassin  .

3.2.2 Au Jurassique moyen et supérieur (175 - 145 Ma)

La mer pénètre largement (= transgression   marine franche) et une sédimentation carbonatée (calcaires) s’étend sur l’Aquitaine. Il se forme une série épaisse de dépôts de calcaires et de marnes.

L’ouverture de l’Atlantique central conduit à la mise en place de dépôts de calcaires et marnes à ammonites et bélemnites sur la plate-forme nord-ouest de l’Aquitaine (milieu océanique ouvert).

A la fin du Jurassique, la mer se retire (régression   marine généralisée) comme en témoignent :

  • des dépôts de milieux littoraux ou confinés (couches de gypse, calcaires dolomitiques  ) en Charente et Périgord ;
  • des dépôts continentaux comme les argiles bariolées ;
  • des roches préexistantes altérées chimiquement comme les dolomies   dans le Bassin   de Parentis.

3.3 Pendant le Crétacé (145 à 65 Ma)


Durant cette période, l’ouverture du Golfe de Gascogne atteint son maximum. A la fin de cette période, la progressive collision entre les plaques européenne et ibérique va amorcer la naissance de la chaîne des Pyrénées.

3.3.1 Au Crétacé inférieur (145 à 100 Ma)

La plaque ibérique coulisse vers le sud-est le long de la grande cassure pyrénéenne tout en s’écartant de l’Europe. Les sédiments s’accumulent dans le bassin   de Parentis, relique du rift très fortement subsident.

La mer s’est retirée de la plate-forme du nord de l’Aquitaine où les dépôts de calcaires du jurassique s’érodent pendant 45 millions d’années environ.

3.3.2 Au Crétacé supérieur (100 à 65 Ma)

C’est le retour, par l’ouest, d’une mer aux eaux tropicales, d’abord au sud, puis vers le nord. Il en résulte une sédimentation carbonatée et « récifale » épaisse en Charentes et Périgord (Rudistes  ) et qui s’amincit vers le sud.

La fin du Crétacé est marquée par une régression   au nord de l’Aquitaine avec des dépôts lagunaires, fluviatiles et des sols caractérisés par une altération latéritique (dépôts de fer).

Dans le sillon nord pyrénéen, grande fosse sous-marine profonde qui s’étend au sud de l’Aquitaine, s’accumulent d’épaisses couches de sédiments, successions de grès et d’argiles avec des intercalations calcaires, appelée « Flyschs », provenant de l’érosion des Pyrénées naissantes (vers 84 Ma : sous la poussée par l’Afrique, l’Ibérie remonte vers le nord avec un mouvement de rotation anti-horaire qui compresse plus tôt l’est de la zone).

Mouvements de rotation de l’Ibérie, d’après Olivet et al, 1996



A cette période, le phénomène de diapirisme (migration ascendante des dépôts salifères) est particulièrement actif au sud et au centre du bassin  .

3.4 Au Tertiaire et Quaternaire (Cénozoïque : 65 Ma à l’actuel)


La chaine des Pyrénées se soulève définitivement, entrainant le plissement et l’élévation en altitude des roches. De nombreux plis et des remontées de sel (diapirs) se forment en profondeur.

3.4.1 Au Paléogène (65 - 23 Ma)

Le Paléogène se compose du Paléocène, de l’Eocène et de l’Oligocène.

  • Au Paléocène (65 - 56 Ma) : Au nord du bassin  , la mer se retire provoquant l’altération des terrains calcaires (karstification et érosion sous climat tropical chaud). Il résulte de cette période la formation d’un épais manteau d’altérites argileuses à silex sur des formations crétacées de plate-forme (argiles rouges, sables).
    Au centre et au sud du bassin   : La présence de la mer favorise une sédimentation carbonatée, comme en témoigne les dépôts de milieux marins profonds à Parentis et de plate-forme peu profonde dans l’est des Landes et en Chalosse.
  • A l’Eocène (56 - 34 Ma) : Une phase de transgression   marine permet la mise en place des dépôts marins calcaires sous un climat subtropical. Sous l’effet de fortes compressions tectoniques, la chaîne des Pyrénées poursuit sa phase d’élévation (surrection   pyrénéenne). La mer se retire à la fin de l’Eocène (régression   marine) entrainant la formation de dépôts continentaux très épais appelés « molasses d’Aquitaine ».
  • A l’Oligocène : (34 - 23 Ma) : la mer est toujours présente à l’ouest du bassin   et les dépôts littoraux et marins se mettent en place (formation rupélienne - ex Stampien - du calcaire à Astéries). La mer va se retirer à la fin de l’Oligocène. Des mouvements tectoniques créent des rides anticlinales au nord et au centre de l’Aquitaine.

3.4.2 Au Néogène (23 - 1,8 Ma)

Le Néogène se compose du Miocène et du Pliocène.

  • Au Miocène (23 - 5 Ma) : Une nouvelle phase d’invasion marine (transgression  ) permet la mise en place d’une alternance de sédiments marins, lagunaires et lacustres  . Puis, la mer recule au Miocène terminal, entrainant le dépôt de sables et d’argiles pauvres en fossiles.
  • Au Pliocène (5 - 1,8 Ma) : Le Pliocène est caractérisé par le retrait définitif de la mer et le dépôt de marnes sableuses. C’est une période de « continentalisation » progressive du Bassin   aquitain. De grands fleuves se mettent en place et aboutissent à un vaste delta dans les Landes de Gascogne.

3.4.3 Au Quaternaire (1,8 Ma - actuel)

Des périodes de glaciations vont marquer le Bassin   aquitain avec, notamment, la formation de terrasses fluviatiles et des dépôts de sables d’origine éolienne (dans les Landes et le Médoc).

Il y a 20 000 ans, suite à la dernière période glaciaire, le niveau de l’eau est de 120 mètres plus bas qu’aujourd’hui dans le Golfe de Gascogne. A l’Holocène (autour de 10 000 ans), le réchauffement climatique entraine la fonte des calottes et une remontée du niveau de l’océan. Il atteint son niveau actuel autour de 6 000 ans. C’est à cette époque que, par ennoyage progressif, naissent les marais de l’estuaire de la Gironde, alors qu’il n’était auparavant qu’une profonde vallée incisée. Le remplissage de ces marais s’achève il y a 2 000 ans.

Le cordon dunaire actuel le long du littoral aquitain est très récent et son évolution se perpétue encore aujourd’hui au gré des tempêtes, de l’évolution du climat et des activités anthropiques.

Pour en savoir plus :

  • « Aquitaine Occidentale » : Michel Vigneaux, éditions Masson et Cie, 1975.
  • « Histoire géologique et structures profondes du triangle landais » : André Klingebiel et Jean-Pierre Platel, publié dans l’ouvrage « Ressources minérales du sol et du sous-sol des Landes de Gascogne », 2001.
  • « Le bassin d’Aquitaine » : Platel J.P. et Dubreuilh J.. in Lajoinie J.P., Platel J.P., Autran A., Dubreuilh J., Bonijoly D., Fourniguet J. - Grandes étapes de l’histoire géologique de quatre régions françaises. Rapport BRGM 86-SGN-424-GEO, 18 p., 12 planches, 1986.
  • « La cinématique de la plaque ibérique » : Olivet J.L., Bull. Centres Rech. Français Explor. prod. Elf-Aquitaine, 20, 1, p.131-195, 1996.
    Synthèses géologiques du Bassin aquitain : BRGM, ELF-Re, ESSO-Rep et SNPA, 1974 ; Curnelle et Dubois, 1986 ; Serrano et al., 2006.

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Aperçu de la géologie du Bassin Aquitain