par Afif ABOU-AKAR - BRGM Aquitaine
Projet financé par le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie (MEDDE) pour 25% du budget total, par l’Agence de l’Eau Adour Garonne (AEAG) pour 50% et par le BRGM pour 25% dans le cadre de ses opérations de service public. Conduite en partenariat avec la DREAL Aquitaine et l’AEAG.
« Bancarisation et valorisation des données sur la qualité des eaux souterraines au droit des installations classées et sites pollués en Aquitaine ». (Abou Akar et al., 2008a, 2008b, 2010, 2012)
Sommaire de l’article :
- 1. Le contexte
- 2. Un nouveau programme à l’échelle nationale
- 3. Un projet ambitieux en Aquitaine
- 4. Des informations précises à disposition en Aquitaine
- 5. Des intérêts partagés
1. Le contexte
En France, plus de 4 000 installations font l’objet d’une obligation de surveillance des eaux souterraines en amont, au droit et en aval hydraulique de leur implantation (MEDAD, 2007).
Elles se composent d’environ :
- (i) : 2 500 sites et sols pollués, faisant ou ayant fait l’objet d’actions de la part des pouvoirs publics, afin de s’assurer de la gestion adaptée des sources de pollution et de la maîtrise suffisante d’éventuels impacts (sites BASOL) ;
- (ii) : 1 000 installations classées au titre de l’article 65 de l’arrêté ministériel du 2 février 1998 modifié relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation, ou au titre d’arrêtés sectoriels spécifiques ;
- (iii) : 350 installations de stockage de déchets,
- (iv) : 250 dépôts pétroliers.
Certaines de ces installations (stockage de déchets ménagers et assimilés, carrières, exploitations de traitement de surface…) sont soumises à des obligations de surveillance de la qualité des eaux précisées dans des arrêtés ministériels spécifiques.
En parallèle, rappelons qu’en application de la Directive Cadre européenne sur l’Eau (DCE, 2000/60/CE) et de la directive fille sur la protection des eaux souterraines contre les pollutions (2006/118/CE), l’état chimique des différentes masses d’eau souterraine doit faire l’objet d’études spécifiques.
Dans un tel contexte, il a fallu :
- envisager la perspective d’une forte augmentation du nombre de sites soumis à une surveillance de la qualité des eaux souterraines,
- prendre en compte le besoin croissant d’accès aux données relatives à la qualité de ces eaux.
Or, l’ensemble des informations recueillies dans le cadre de cette surveillance est transmis à l’inspection des installations classées sous forme papier. Ce mode d’archivage rend difficile et laborieuse l’exploitation systématique et méthodique des données, et ne permet pas de les mettre en temps réel à disposition du public intéressé.
2. Un nouveau programme à l’échelle nationale
Le ministère en charge de l’écologie a donc pris conscience de la nécessité de mettre en place des actions spécifiques permettant la numérisation des informations dans une base de données (bancarisation).
Un programme national régionalisé de bancarisation des données historiques acquises depuis 1998 a ainsi été mis en place, le stockage des données se faisant au sein de la base de données publique ADES (Accès aux Données sur les Eaux Souterraines) : projet ADES-ICSP : installations classées et sites pollués.
L’opération, pilotée par les DREAL et les Agences de l’Eau, a été confiée au BRGM.
Cette action qui a été enrichie par une synthèse portant sur les dispositifs de surveillance mis en place sur chaque site, offre des perspectives intéressantes d’exploitation et de valorisation des données.
La base ADES, mise en place en 2002, rassemble sur un site internet public (www.ades.eaufrance.fr) des données quantitatives et qualitatives relatives aux eaux souterraines. Elle a pour objectifs :
- de constituer un outil de collecte et de conservation des données sur les eaux souterraines,
- d’être mobilisable par un large ensemble de partenaires,
- de permettre les traitements nécessaires à l’action de chacun des partenaires,
- d’être le guichet d’accès aux informations sur les eaux souterraines,
- d’avoir un suivi de l’état patrimonial des ressources pour répondre à la politique des eaux souterraines,
- d’adopter au niveau national un principe de transparence et d’accessibilité aux données sur les eaux souterraines.
C’est un système de stockage et d’échange facilités grâce à un langage unique mis en place par le SANDRE [1]. Les paramètres physico-chimiques, biologiques et bactériologiques ainsi que leurs unités correspondantes sont tous codés. A titre d’exemple, le paramètre « nitrates » est codé sous le n°1340 auquel correspond le code unité 173 (mg(NO3)/l).
La base ADES, contrairement aux autres bases créées et gérées par différents intervenants dans le domaine des eaux souterraines (Agences de l’Eau, ARS [2], BRGM, DREAL [3]), ne contient que des données relatives à un « réseau de surveillance » quantitatif ou qualitatif préalablement créé et déclaré. Les analyses et les mesures relatives à un forage ou un piézomètre n’appartenant pas à un réseau bien défini et identifié dans ADES ne peuvent être bancarisées dans cette base.
Ainsi, et préalablement à la première bancarisation des données, le futur réseau des ICSP a dû être initialisé, étape autorisant que des points d’eau (piézomètres, forages, sources, puits) lui soient associés par la suite.
3. Un projet ambitieux en Aquitaine
Le réseau relatif au suivi des installations classées et sites pollués en Aquitaine soumis à la surveillance s’intitule :
- Nom : Réseau qualitatif des eaux souterraines pour le suivi des installations classées pour la région Aquitaine
- Code Sandre : 0500000044
En 2006, le nombre de sites en Aquitaine soumis à une auto-surveillance de la qualité des eaux souterraines était de 310, tous inscrits dans BASOL [4] et/ou dans GIDIC [5]. A l’issue d’une étude BRGM, ces 310 sites ont été répartis dans six classes de vulnérabilité croissante des eaux souterraines A, B, C, D, E et F :
- 102 sites appartiennent aux classes de vulnérabilité très faible à moyenne (classes A, B et C),
- 208 sites appartiennent aux classes de vulnérabilité forte à très forte (classes D, E et F).
Au cours de la première phase du projet de [Abou Akar et al., 2008a, 2008b], 101 de ces 310 sites ont été sélectionnés en accord avec la DREAL Aquitaine et l’AEAG :
- 75 sites se caractérisent par des classes de vulnérabilité élevée (classes D, E et F),
- les 26 autres se caractérisent par des classes de faible vulnérabilité (classes A, B, et C).
Les autres critères entrant en jeu dans ce choix sont :
- la (ou les) activité(s) exercée(s) sur le site,
- les analyses disponibles pour chaque site,
- l’impact connu ou supposé du site sur les nappes d’eaux souterraines,
- le souhait exprimé par la DREAL de considérer certain secteur géographique dans leur ensemble.
Ces 101 sites ont été traités et leurs analyses bancarisées dans ADES.
La seconde phase du projet a permis de traiter 100 nouveaux sites industriels, répartis sur la région Aquitaine et sélectionnés dans la liste initiale des 310 sites d’origine. Parmi ces 100 sites :
- 84 présentent des classes de vulnérabilité élevée (classes D, E et F),
- les 16 autres, des classes de faible vulnérabilité (classes A, B, et C).
Ces 100 sites ont été traités et leurs analyses bancarisées dans ADES [Abou Akar et al., 2010].
A la fin de la seconde phase du projet, un total de 201 sites étaient disponibles sous ADES.
A fin 2010, le nombre de sites d’Aquitaine soumis à une auto-surveillance de la qualité des eaux souterraines était de 377 sites. Une troisième phase du projet a été engagée début 2011 et a permis de traiter 100 nouveaux sites parmi les 176 restants.
L’appréciation de la vulnérabilité de la nappe au droit des sites à retenir pour la phase 3 s’est basée sur la carte de vulnérabilité établie dans le cadre du projet « Cartographie des Unités de Gestion des eaux continentales de la région Aquitaine » (voir article dédié sur ce site) : sur les 100 nouveaux sites sélectionnés, 78 sites présentent une vulnérabilité élevée, 20 une vulnérabilité moyenne et 2 une faible vulnérabilité. Il n’est pas prévu de phase 4 dans l’immédiat pour traiter les derniers sites.
L’ensemble de l’opération de bancarisation des données peut être découpé en 4 étapes principales :
- la sélection des sites à traiter,
- la consultation et la collecte des données sur les sites retenus aux archives de la DREAL,
- le traitement des données d’analyse (rattrapage de l’historique jusqu’en 1998),
- la bancarisation dans ADES, et la valorisation des informations avec constitution de documents de synthèse.
4. Des informations précises à disposition en Aquitaine
Répartition des 301 sites soumis à la surveillance des eaux souterraines par secteur d’activité
La répartition des sites par secteur d’activité montre que l’activité « travail et traitement du bois » arrive en tête. Elle est suivie par l’activité stockage et traitement des déchets. Viennent ensuite les industries chimiques, les entrepôts et transports, les industries mécaniques (dont l’aéronautique) et les dépôts d’hydrocarbure/stations-services. D’autres activités sont aussi présentes telle que la sidérurgie/métallurgie et l’agro-alimentaire.
Le travail du bois est essentiellement rencontré dans le triangle landais alors que l’industrie chimique est surtout présente sur la plateforme industrielle de Mont-Mourenx et l’agglomération bordelaise. Cette dernière regroupe un bon nombre d’industries mécaniques et aéronautiques ainsi que des entrepôts divers.
Répartition des 301 sites soumis à la surveillance des eaux souterraines par système aquifère
L’examen de la répartition géographique des sites montre que la majorité d’entre eux est située soit sur les nappes plio-quaternaires du Sable des Landes, soit sur les nappes alluviales des principaux cours d’eau de la région Aquitaine.
En plus des données de suivi (ouvrages, analyses…) versées dans ADES, une fiche de synthèse (à accès réservé, remise uniquement aux partenaires du projet) est réalisée pour chaque site ICSP, à partir de l’ensemble des informations collectées et saisies dans une base de données intitulée FICSP. Elle comporte :
- les principales informations d’ordres administratifs, géographiques, géologiques et hydrogéologiques ;
- l’historique du site et de sa surveillance des eaux souterraines ;
- des éléments de synthèse sur la qualité des eaux souterraines ;
- des informations et observations sur le dispositif de surveillance mis en place.
Ces indications dont la nature reste informative à partir d’éléments transmis à une date donnée, sont néanmoins susceptibles d’orienter les actions à mener pour améliorer la surveillance, l’adapter au contexte, ou la réduire compte tenu des données disponibles.
La bancarisation dans ADES de l’ensemble des données disponibles relatives à la surveillance de la qualité des eaux souterraines au droit des sites ICSP a permis d’établir pour les 301 premiers sites traités une valorisation statistique et cartographique des résultats à l’échelle de la région Aquitaine (cf. rapports BRGM cités en bibliographie).
A l’issue de la bancarisation des données en Aquitaine, l’analyse statistique des données analytiques relatives aux 301 sites traités au cours des 3 phases du projet, permet d’apporter les conclusions suivantes :
- 287 sites ont mis en place un réseau de suivi ;
- 1 826 ouvrages concernant les 287 sites ont été déclarés dans le réseau qualitatif des eaux souterraines pour le suivi des installations classées pour la région Aquitaine,
- sur ces 1 826 ouvrages de surveillance, 1 651 disposent d’au moins une analyse. 175 autres ouvrages ne disposent d’aucune d’analyse. Ceci s’explique par :
- la mise en place du réseau de points de suivi par l’industriel, mais sans surveillance proprement dite (campagnes de prélèvement et d’analyse),
- la mise en place de nouveaux points de suivi supplémentaires, pour lesquels aucune analyse n’était encore disponible lors de la collecte des données aux archives,
- l’absence de prélèvements sur certains points du réseau de suivi mis en place (points jugés inutiles, etc…).
- 178 561 analyses, associés aux 1 651 points de surveillance, ont été bancarisées dans ADES,
- le site possédant le plus grand nombre d’analyses disposait à fin 2012 de près de 12 700 analyses couvrant 17 piézomètres. Elles ont démarré en 1995 et concernent 128 espèces chimiques avec une fréquence trimestrielle.
5. Des intérêts partagés
Les données contenues dans ADES et dans FICSP, et leur exploitation revêtent des intérêts communs pour la DREAL et l’Agence de l’eau.
Pour l’Inspection des Installations Classées de la DREAL, l’intérêt de cette action est de parvenir à terme à l’exploitation systématique et méthodique des données dans des délais courts ; ceci permettra, comparé au contrôle sur support papier, de réagir plus rapidement en cas d’évolution tendancielle dans le suivi des sites. Lors des bilans des plans de gestion des sites et sols pollués, l’analyse multicritère des données de suivi des eaux souterraines sera également facilitée.
Pour l’Agence il s’agit d’obtenir une meilleure connaissance de la qualité des nappes soumises à des pressions d’origine industrielle, et de mieux évaluer l’impact de ces activités, pour l’aider dans les prises de décision vis-à-vis de ses programmes d’intervention.
L’exploitation des points de contrôle industriels permet également de conforter les dispositifs de surveillance en place pour évaluer l’état de la ressource en eaux souterraines pour répondre aux objectifs de la Directive Cadre européenne sur l’Eau (DCE) qui demande de mettre en place différentes mesures visant notamment :
- à prévenir ou limiter le rejet de polluants dans les eaux souterraines ;
- à protéger, améliorer et restaurer les masses d’eau et prévenir la détérioration de leur état, afin que celles-ci soient en bon état chimique en 2015 ;
- à détecter et inverser toute tendance à la hausse, significative et durable de la concentration de tout polluant résultant de l’impact de l’activité humaine.
Les projets de bancarisation prennent fin en régions, mais la base ADES-ICSP reste évolutive. Une interface (GIDAF) permettant aux industriels de saisir les données analytiques relatives aux eaux souterraines de leur propre site est actuellement en cours de développement et de test. A terme, tout industriel soumis à l’auto-surveillance des eaux souterraines sera amené (par le biais éventuel d’un bureau d’études ou d’un laboratoire d’analyse) à saisir périodiquement les données analytiques relatives à son site.
Les DREAL disposeront d’un pouvoir de contrôle et de validation avant transfert des données analytiques dans la base ADES.
Les résultats doivent permettre à terme de faire progresser la connaissance des pressions d’origine industrielle sur les nappes . Les actions pourront être orientées vers les sites jugés prioritaires en termes d’impacts sur les eaux souterraines, l’objectif recherché restant le même : surveiller l’évolution de la qualité des nappes polluées, atténuer la dégradation de ces nappes , mais aussi améliorer les réseaux et les dispositifs de suivi mis en place par les exploitants au droit des ICSP.