Des ressources en eaux souterraines

par B. Papion - Terre & Océan - revu par N. Pédron - BRGM Aquitaine

1 - L’eau souterraine, un enjeu majeur

1.1 Enjeux de la préservation des eaux souterraines pour la planète

97% de l’eau sur la Planète est de l’eau salée. Les 3 % d’eau douce sont contenus à 77,2 % dans les glaciers et à 22,2 % dans les nappes   d’eau souterraine. Seulement environ 1% du stock mondial d’eau douce peut être utilisable par l’homme. Actuellement, la population mondiale consomme 54 % des ressources utilisables et accessibles. En 2025, elle en consommera entre 70 et 90 % (chiffres de 2009).

On considère qu’une vingtaine de pays ont déjà recours à un approvisionnement « forcé » (consommation d’eau souterraine fossile et/ou dessalement de l’eau de mer).

Pour ce qui concerne les eaux souterraines, la réserve en France est estimée à environ 2 000 milliards de m3. Il ne s’agit pas d’un stock fixe mais d’une masse qui fluctue selon les prélèvements, les fuites (les sources) et la recharge (pour l’essentiel météorologique).

1.2 Usages de l’eau

En France, tous usages confondus, 46% des eaux prélevées proviennent des nappes   souterraines (hors usage pour le refroidissement des centrales nucléaires et autres usines). L’usage domestique de l’eau provient, quant à lui, pour 60 % des nappes   d’eau souterraine. L’eau souterraine est privilégiée pour l’usage domestique, du fait de sa meilleure qualité et de coûts de traitements plus faibles.

1.3 Eau potable et santé

Pour assurer l’alimentation en eau potable  , il est de plus en plus nécessaire de prendre des mesures de traitement et de protection des eaux souterraines qui exigent, tant sur le plan technique que financier, des moyens considérables et croissants du fait des pollutions.

La Directive   Cadre Européenne sur l’eau (DCE), du 23 octobre 2000, qui vise à une protection cohérente de toutes les masses d’eau en Europe, demande d’atteindre le bon état des eaux souterraines en 2015 mais aussi de détecter et d’inverser toute tendance à la hausse significative et durable de la concentration des polluants.

Les orientations stratégiques prises pour le bassin   Adour-Garonne sont inscrites dans le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) et le Programme De Mesures (PDM) pour la période 2010-2015.

2 - Ressources aquitaines

Les ressources en eaux souterraines de l’Aquitaine sont liées aux terrains et à l’histoire géologique de cette région. L’étude de l’hydrogéologie permet de connaître la distribution et de la circulation de l’eau dans le sol et les roches. La circulation générale des eaux souterraines est également fonction des interactions avec l’eau de surface.

Les couches « aquifères  * » les plus exploitables sont d’âge jurassique à pliocène, couvrant les 200 derniers millions d’années. Rappelons que l’eau contenue dans ces couches profondes est beaucoup plus jeune que les contenants, les temps de renouvellement les plus grands se comptant en dizaines de milliers d’années.

En Aquitaine, les aquifères   du Sable des Landes et les alluvions des grands cours d’eau représentent les ressources en eau les plus accessibles (faible profondeur) et donc les moins coûteuses à exploiter. L’eau contenue dans ces roches, relativement récente, est cependant sensible aux pollutions et souvent de qualité médiocre, ce qui la rend impropre à la consommation humaine.

2.1 Une distribution en relation directe avec le sous-sol

La distribution des aquifères   est inégale et dépend de la nature et de la disposition des roches et des couches souterraines.

En Aquitaine, l’importance des formations sédimentaires induit une richesse remarquable en eaux souterraines.
Ces dernières s’organisent en trois grands ensembles :

  • les nappes   du Quaternaire (alluviales et Plio-Quaternaire), peu profondes
  • les nappes   du Tertiaire (Miocène, Oligocène et Eocène)
  • les nappes   du Secondaire (Crétacé et Jurassique).

En Aquitaine, les grands aquifères   sont d’extension inégale, séparés par des niveaux peu ou pas perméables, continus ou discontinus, permettant des échanges verticaux entre les couches que l’on appelle « drainance ».

2.2 Nappes   libres ou captives ?

Deux grands types de nappes   d’eau peuvent être différenciés :

  • les nappes   libres qui présentent une zone saturée d’eau (les vides de la roche sont remplis d’eau) et une zone non saturée d’eau (les vides de la roche contiennent de l’eau et/ou de l’air) ; les niveaux d’eau de la nappe   libre peuvent varier librement au dessus de la zone saturée ;
  • les nappes   captives, généralement profondes, qui circulent entre deux couches de terrains imperméables. Elles sont recouvertes, totalement ou partiellement, par une couche de terrain imperméable. Ces nappes   sont sous pression.

En Aquitaine, de nombreux grands aquifères   contiennent des nappes   libres en périphérie du bassin   aquitain qui deviennent captives en son centre.

2.3 Gérer la ressource en eau

Les informations concernant les faciès   (types de roches ou de dépôts), les paramètres hydrodynamiques, les limites des aquifères  , leur alimentation en eau, la qualité des eaux, etc.…sont regroupés afin de les dimensionner et les caractériser. Ces données alimentent des fichiers numériques dont l’objectif est d’apprécier le fonctionnement global de ces nappes   et d’évaluer le degré d’exploitation des ressources en eau.

Les eaux souterraines sont essentiellement exploitées en Aquitaine pour la production d’eau potable, l’irrigation et l’industrie, mais aussi pour les eaux thermales, minérales et la géothermie.

En Aquitaine, la surexploitation de certaines nappes   profondes, la dégradation de la qualité des nappes   superficielles et la baisse saisonnière de leurs niveaux, avec une conséquence directe sur le soutien naturel des étiages des grands cours d’eau, sont des préoccupations prioritaires : la préservation des ressources en eau est un enjeu primordial.

2.4 Des aquifères   très variés

Il existe plusieurs types d’aquifères   qui dépendent de leurs caractéristiques propres, que sont les aquifères   poreux, fissurés et karstiques  .

En région Aquitaine, on distingue plus précisément six groupes d’aquifères   classés selon leur âge : Quaternaire et Pliocène, Tertiaire (Miocène, Oligocène, Eocène), Secondaire (Crétacé supérieur et Jurassique). Explorons chacun d’entre eux pour en connaître les caractéristiques et les potentialités.


2.4.1 Aquifères   du Quaternaire et du Pliocène (nappes   peu profondes)

Généralités
Les niveaux aquifères   du Plio-Quaternaire (entre 5 millions d’années-Ma et l’époque actuelle) se composent de sables et de graviers contenant des nappes   très majoritairement libres.
Le temps de renouvellement* moyen de ces nappes   se situe entre 10 et 100 ans.

Grand système aquifère multicouche plio-quaternaire des Landes de Gascogne et du Lannemezan du Bassin aquitain ©BRGM

Localisation de ces aquifères  
Ce sont essentiellement des alluvions des fleuves (Garonne, Adour, Gave de Pau) et de leurs principaux affluents. On les trouve également dans les dépôts du « Sable des Landes » et du Pliocène.

Quantité et qualité des aquifères  
Les nappes   sont globalement en situation d’équilibre. Elles participent à l’alimentation des cours d’eau. Les prélèvements qui y sont réalisés sont essentiellement destinés à l’agriculture.
Ces nappes   sont de qualité moyenne avec la présence, entre autres, de nitrates, pesticides, solvants chlorés, ammonium, phosphores, etc.


2.4.2 Aquifères   du Tertiaire

Aquifère   du Miocène (23 - 5,3 millions d’années-Ma)

Généralités
Les niveaux aquifères   du Miocène se composent de calcaires et de sables (de l’Helvétien, soit 19-15 Ma) ainsi que de calcaires et de faluns* (de l’Aquitanien-Burdigalien, soit entre 20 et 16 Ma) contenant des nappes   essentiellement captives.
Le temps de renouvellement moyen des nappes   est de 100 ans.

Grand système aquifère des faluns, des grès et des sables du Miocène moyen du Bassin aquitain ©BRGM

Localisation de ces aquifères  
Les affleurements   présentent une extension relativement faible. Ils sont situés au sud de la Gironde et du Lot-et-Garonne ainsi que dans les Landes.

Quantité et qualité des aquifères  
Les prélèvements sont destinés à l’agriculture (pour 66%), au captage d’eau potable AEP   (21%) et à l’industrie (13%). Une augmentation très probable des prélèvements est à prévoir d’ici 2015.
Ces nappes   sont globalement en équilibre entre les recharges en eau et les prélèvements. Les niveaux piézométriques* ainsi que les débits des sources sont stables.
La qualité de ces eaux est jugée moyenne avec la présence, notamment, d’orthophosphates*, de phosphore, d’ammonium, de solvants chlorés et de pesticides. Les nitrates peuvent y atteindre des teneurs supérieures à 50 mg/l (valeur maximale autorisée par les « normes de potabilité » et au-delà de laquelle la consommation de l’eau n’est plus autorisée).

Aquifère   de l’Oligocène (entre 34 et 23 millions d’années-Ma)

Généralités
Les niveaux aquifères   de l’Oligocène se composent de calcaires et de sables présentant des niveaux karstifiés* et contenant des nappes   essentiellement captives.
Le temps de renouvellement moyen des nappes   est de 1 000 ans.

Grand système aquifère des calcaires, faluns et grès de l’Oligocène du Bassin aquitain ©BRGM

Localisation de ces aquifères  
Les affleurements   présentent une extension relativement faible et sont situés dans le Médoc et le Bordelais (nord-est) et dans le sud des Landes (sud-est).

Quantité et qualité des aquifères  
Les prélèvements de ces aquifères   sont destinés au captage d’eau potable (pour 67%) grâce à des sources et des forages, à l’industrie (pour 27%) et à l’agriculture (pour 6%). Une augmentation des prélèvements est à prévoir dans les proches années à venir.
Un déséquilibre entre les recharges et les prélèvements se marque avec une baisse du niveau piézométrique   dans certains secteurs, comme l’agglomération bordelaise, avec l’apparition de phénomènes de dénoyage*.
Ces aquifères   sont de bonne qualité générale, avec une teneur en nitrates généralement inférieures à 50 mg/l.

Aquifère   de l’Eocène (53 à 34 millions d’années-Ma)

Généralités
Les niveaux aquifères   de l’Eocène se composent de sables, de graviers, de galets, de calcaires et de dolomies   présentant des niveaux karstifiés dans le sud du bassin   et contenant des nappes   essentiellement captives. Les affleurements   se localisent au nord de la région. Le temps de renouvellement moyen des nappes   se situe entre 5 et 10 000 ans.

Grand système aquifère de l’Eocène moyen à inférieur du Bassin aquitain ©BRGM

Localisation de ces aquifères  
Les affleurements   se localisent au nord de la région.

Quantité et qualité des aquifères  
Les prélèvements effectués dans ces nappes   sont destinés au captage d’eau potable (pour 83%), à l’industrie (pour 12%) et à l’agriculture (pour 4%).
Une augmentation très probable des prélèvements est envisagée pour le captage d’eau potable d’ici 2015.
Un déséquilibre entre les recharges et les prélèvements se marque avec notamment un creux piézométrique   sous l’agglomération bordelaise, et qui s’étend vers la Dordogne.
Ces nappes   présentent une bonne qualité générale mais avec des teneurs non négligeables en pesticides, solvants chlorés, phosphore, orthophosphates, ammonium, plomb, etc.
Les teneurs en nitrates peuvent atteindre des taux supérieurs à 50 mg/l. Ces nappes   présentent de plus des potentialités importantes de salinisation en nord Médoc et de fortes minéralisations dans l’Entre-deux-Mers.


2.4.3 Aquifères   du Secondaire

Aquifère   du Crétacé (135 - 65 millions d’années-Ma)

Généralités
Ce sont essentiellement des roches calcaires, des grès et des sables présentant des niveaux karstifiés et contenant des nappes   essentiellement captives.
Le temps de renouvellement moyen des nappes   est supérieur à 10 000 ans.

Grand système aquifère multicouche du Crétacé supérieur du Bassin aquitain ©BRGM

Localisation de ces aquifères  
Les affleurements   se localisent au nord-est de la région.

Quantité et qualité des aquifères  
Les prélèvements effectués dans ces nappes   sont destinés, par ordre d’importance décroissante, au captage d’eau potable, à l’agriculture, à l’industrie ainsi que, dans une plus faible proportion, à la géothermie et au thermalisme.
Le niveau de ces nappes   est relativement stable, parfois en baisse en fonction des couches et de la localisation de la zone. Des déséquilibres entre recharges et prélèvements peuvent apparaître dans certains niveaux (comme pour les niveaux du Crétacé supérieur).
Ces nappes   renferment des eaux de bonne qualité générale avec le cortège de pesticides, solvants chlorés, phosphore, orthophosphates, ammonium, plomb, etc. Les teneurs en nitrates peuvent être supérieures à 40 mg/l. Une salinisation de ces nappes   a été mise en évidence dans le Médoc.

Aquifère   du Jurassique (205 - 135 millions d’années-Ma)

Généralités
Ce sont essentiellement des roches calcaires présentant des niveaux karstifiés et contenant des nappes   captives. Le temps de renouvellement moyen des nappes   est supérieur à 10 000 ans.

Grand système aquifère multicouche des calcaires et dolomies du Jurassique moyen à supérieur du Bassin aquitain ©BRGM

Localisation de ces aquifères  
Les affleurements   se localisent au nord-est de la région.

Quantité et qualité des aquifères  
Les prélèvements effectués dans ces nappes   sont destinés, par ordre d’importance décroissante, au captage d’eau potable, à l’agriculture, à la géothermie et à la pisciculture.
Une augmentation très probable des prélèvements pour le captage d’eau potable et l’agriculture est à envisager dans les proches années.
Des déséquilibres sont possibles entre les recharges et les prélèvements dans les nappes  , déséquilibre marqué généralement par une baisse des niveaux piézométriques. Le débit des sources reste stable.
Ces nappes   présentent une bonne qualité générale des eaux malgré la présence, notamment, de solvants chlorés, phosphores, plomb, etc. Les teneurs en nitrates peuvent être supérieures à 40 mg/l.
La présence de sulfates a été mise en évidence au sud de la Garonne.
Les eaux de ces nappes   sont turbides* dans les zones karstiques  .

Petit lexique* :

 aquifère : désigne la roche réservoir ainsi que l’eau qu’elle renferme (l’aquifère est une formation perméable qui permet l’écoulement d’une nappe d’eau souterraine et le captage d’une quantité d’eau appréciable (exploitable))
 dénoyage : évacuation des eaux infiltrées
 falun : dépôt de coquilles dans les niveaux sablo-calcaires
 nappe : volume d’eau contenu dans une formation rocheuse
 nappe libre / nappe captive : la nappe est dite libre ou phréatique lorsque son niveau peut varier sans être bloqué par une couche imperméable. Dans le cas contraire, elle est dite captive (et artésienne lorsque son niveau est supérieur à celui du sol)
 niveaux karstifiés : niveaux présentant des cavités souterraines
 niveaux piézométriques : hauteur des nappes d’eau
 piézométrie : surface de la nappe pour une nappe libre et pression hydraulique pour une nappe captive (s’exprime en mètres comme une cote)
 orthophosphate : composé du phosphore
 temps de renouvellement : temps que va mettre une nappe d’eau pour se reconstituer
 turbide : trouble, chargée en particules en suspension

Sigles :

  • DCE : Directive Cadre Européenne sur l’eau
  • SDAGE : Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux
  • PDM : le Programme De Mesures

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