Les karsts « épigènes »

En lien avec les altérations de surface, la karstification épigène est la plus connue et décrite dans la littérature scientifique. Il faut distinguer trois types d’altération qui contrôlent la dissolution et la karstification épigène. Ils concernent des échelles de temps géologiques différentes et aboutissant à des formes karstiques   bien spécifiques :

  • La fantômisation
  • La crypto-altération
  • La corrosion

Fantomisation

Le terme de karstification par « fantômisation » est utilisé pour décrire un processus de spéléogenèse en deux phases : une phase de dissolution partielle dans des conditions de faible gradient   hydraulique, qui va produire le « fantôme de roche », et une seconde phase d’érosion mécanique par érosion régressive consécutive à l’augmentation du gradient   hydrodynamique (Figure 2). Les roches fantômisées présentent une stratification préservée, des fractures visibles et des fossiles préservés. Cependant, la roche est devenue localement non cohérente et très poreuse. La première phase d’altération, la « fantômisation » (ghost-rock karstification), résulte en une altération iso-volumique de l’encaissant sous des conditions de très faible gradient   hydraulique (Dubois et al., 2014 ; Vergari and Quinif, 1997). Cette phase d’altération peut être liée soit à l’infiltration épigène, soit à l’écoulement hypogène, en particulier dans les zones marginales des bassins sédimentaires. Dans le cas d’une spéléogenèse par fantomisation épigène (per descensum), la présence d’une couverture contenant des minéraux siliceux, sulfureux ou sulfatés est nécessaire à la libération d’ions H+ ou de H2SO4 pour que l’eau acquiert un caractère agressif. Les produits de l’altération (décalcification ou dédolomitisation) sont évacués en solution, par circulation lente des eaux ou diffusion ionique, tandis que les résidus persistent, produisant des altérites in situ conservant la structure et la texture initiale de la roche. Les corps altérés peuvent présenter des porosités et perméabilités très élevées, jusqu’à 45% et 10D (Dubois et al., 2014) et constituer des volumes poreux fortement capacitifs. L’organisation de ces réseaux « fantômisés » suit généralement la majorité des discontinuités les plus favorables à la karstification, provoquant souvent un maillage calqué sur la fracturation et la stratification. L’établissement de tels systèmes nécessite de longues périodes de temps (peut-être de l’ordre de plusieurs millions d’années) et des conditions géodynamiques stables (Dubois et al., 2014). Avec la création d’un gradient   hydraulique, surrection   du massif ou enfoncement des vallées, l’altérite est évacuée par érosion régressive au sein du système.

Figure 2 Schéma conceptuel du processus de karstification par fantomisation (Dubois et al., 2014)
Figure 3 Affleurement en Dordogne (photo E.Husson)

Crypto-altération

La crypto-altération correspond à la corrosion d’un encaissant sous une couverture de sol ou sédimentaire, détritique   ou alluviale (Nicod, 1975). Ce processus est lié au potentiel d’altération chimique des surfaces karstiques   permettant d’aboutir aux formes karstiques   sous couverture (Combes, 1998 ; Vergari and Quinif, 1997). Dans le cas des calcaires, la dissolution se fait sous des couvertures sédimentaires semi-perméables à perméables mais non karstifiables (Courreges, 1997 ; Dupuis, 1992 ; Salomon et al., 1995) provoquant la formation d’un aquifère   captif au sein des carbonates et un écoulement lent sous couverture. Cette crypto-karstification est responsable de l’établissement de nombreuses formes de surfaces, comme les round-karren, révélées par le déblaiement de la couverture. La disparition de matière par dissolution du toit des carbonates entraîne un enfouissement progressif de la couverture non karstifiable. L’échelle de temps pour former un karst   sous couverture évolue d’une centaine de milliers d’années à plusieurs millions d’années (Quinif, 1999).

Figure 4 Carrière de bauxite à Villeveyrac (photo E.Husson)

Corrosion

La corrosion est un processus d’altération avec évacuation directe du matériel dissous ainsi que des résidus. Ce processus permet d’aboutir aux formes sur roches nues au contact de l’eau agressive. La corrosion constitue le processus de karstification le plus commun. Deux types de systèmes karstiques   résultant de ce processus de corrosion sont distingués : (1) les systèmes épigènes ou gravifique (Mangin, 1975), formés sous l’action de l’eau météorique et d’un gradient   d’écoulement entre la zone de recharge et zone de décharge, et (2) les systèmes hypogènes, formés par des remontées d’eaux hydrothermales ou de fluides profonds (Audra et al., 2010 ; Ford and Williams, 2007). Les formes en résultant se traduisent en souterrain par les cavités et réseaux karstiques  , et en surface par les lapiés, dolines, canyons, etc.

Figure 5 Ordesa (photo E.Husson)

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La karstification et les différents systèmes karstiques