Selon la définition hydrogéologique, le karst possède une zonation morphologique et hydrodynamique qui s’organise principalement de manière verticale et permet de différencier quatre parties dans l’aquifère karstique (Camus, 2003 ; Jouves et al., 2017 ; Mangin, 1975) :
- l’épikarst représente la partie superficielle du karst . Epais de quelques mètres à quelques dizaines de mètres, l’épikarst collecte les eaux d’infiltration, les stocke temporairement avant qu’elles ne soient drainées en profondeur. L’épikarst représente la zone d’échange entre l’atmosphère et le système karstique (Williams, 2008) et est caractérisé par une forte porosité efficace (Klimchouk, 2004).
- la zone d’infiltration, zone vadose ou encore zone non-saturée selon les auteurs, correspond à la partie de l’aquifère karstique dans laquelle les eaux s’écoulent depuis l’épikarst jusqu’à la zone épinoyée. Les écoulements peuvent être lents et s’effectuer dans des vides de petites tailles avec de forte pertes de charge, ou rapides et s’effectuant dans les conduits verticaux ou les fractures verticales.
- la zone épinoyée, zone de fluctuation du niveau piézométrique ou encore zone épiphréatique, correspond à la partie de l’aquifère contenue entre la surface piézométrique en basses eaux (étiage) et en hautes eaux (crues).
- la zone noyée ou zone phréatique ou zone saturée, correspond à la zone noyée en permanence. Le toit de la zone noyée est en connexion directe avec l’exutoire ou le niveau de base.
Ces termes sont regroupés sous deux ensembles morphologiques généraux ; l’exokarst (en surface) regroupant les morphologies de surface et l’épikarst, et l’endokarst (en profondeur) regroupant les zones de transfert de fluides souterrains.
Des études antérieures (Audra, 2007 ; Audra and Palmer, 2013b ; Gabrovšek et al., 2014 ; Häuselmann, 2002 ; Klimchouk, 2009 ; Palmer, 1991) montrent que les motifs karstiques ne sont pas aléatoirement distribués mais dépendent de la zonation spatiale du karst et du mode de spéléogenèse (épigène et hypogène) et proposent une classification des motifs karstiques en fonction de la zonation verticale du karst (Figure 1).
- Figure 1 Coupe transversale idéalisée d’un système karstique avec zonation spatiale verticale du karst et vue en plan des motifs associés. Extraite de Jouves et al. (2017) modifié d’après Palmer 1991 et Audra et Palmer 2013
Sur la Figure 1, les motifs karstiques sont définis ainsi : (1) Branchwork cave : la zone vadose se caractérise par des motifs arborescents avec des ramifications semblables à des arbres. Les chenaux et les canyons, sont le siège d’écoulements gravifiques et convergent comme des affluents. Au niveau de la surface piézométrique , les eaux souterraines suivent un gradient relativement faible pour rejoindre les sources situées dans les vallées environnantes. (2) Elongated branchwork : dans le cas d’une recharge diffuse et d’un niveau de base stable, des cavité de surface piézométrique sont formés au niveau ou juste en-dessous de la surface piézométrique . Etant donné que les flux sont déjà hiérarchisés, les passages présentent des motifs arborescents allongés composés de tronçons phréatiques tubulaires comprenant peu de boucles. (3) Anastomatic maze : en cas de recharge irrégulière, en particulier pour des cavités alimentées par des écoulements rapides, les passages phréatiques peuvent être incapables de transmettre tous les intrants et des chemins alternatifs de crue se mettent en place en formant un système complexe de boucle dans la zone de fluctuation de la surface piézométrique , donnant ainsi lieu à une configuration en labyrinthe anastomosé. Lorsque le niveau de base chute et que la vallée périphérique est incisée, les passages phréatiques tendent à être drainés par des passages de dérivation. L’ancienne zone épiphréatique est susceptible d’être encore active en raison du développement de conduits karstiques juvéniles. (4) Angulaire maze : les labyrinthes angulaires sont formés au sein de roches fortement fracturées, soit par infiltration diffuse dans une couverture peu perméable, soit par des alimentations hypogènes, soit localement par des mises en charge. La fantômisation est un processus pouvant créer ce type de motifs.
Mais la karstification est aussi fortement contrôlée par des paramètres tels que l’histoire géodynamique et par des conditions aux limites (type de recharge, gradient topographique, position du niveau de base, etc.). Les facteurs, tels que la géologie, la géomorphologie et le climat, exercent leur influence sur l’écoulement souterrain seulement selon des paramètres hydrauliques (Kiraly, 2003).
Le problème majeur dans les aquifères karstiques est l’hétérogénéité des structures qui se traduit par différentes réponses du système karstique notamment au niveau de l’exutoire :
- Figure 2 Différents types de réponses hydrodynamiques aux précipitations (Kresic, 2007 et Goldscheider and Drew, 2007)
Sur le graphique A, après de forts événements pluvieux, il est observé des augmentations soudaines et importantes de la charge hydraulique dans les vides de grandes dimensions. Ceci représente les variations de hauteurs d’eau d’une source très bien connectée au réseau de drainage. Le deuxième graphique B, représente une hauteur d’eau provenant de la matrice hydrogéologique ou d’une source « tamponnée » et moins karstique . Une réponse retardée et amortie de l’aquifère après des événements pluvieux est observée.
La caractérisation des modalités d’écoulement au sein des aquifères karstiques est donc essentielle à la gestion de la ressource en eau mais aussi pour le risque de crue.
- Figure 3 Viazac (photo G.Maistre)