Origine, caractérisation et distribution prédictive du Karst sur la bordure Nord-Aquitaine - OKaNA, 2016
E. Husson avec la collaboration de H. Camus, C. Lerouge, E. Lasseur, O. Cabaret, M. Saltel, N. Pedron, R. Couëffé
Les terrains carbonatés occupent près de 30% de la surface du territoire national. Ils sont particulièrement bien représentés dans le bassin Adour-Garonne où on les retrouve à l’affleurement en bordure du bassin sédimentaire aquitain. La nature plus ou moins karstique de ces aquifères rend leur gestion délicate.
L’évolution globale des besoins en eau pour l’alimentation en eau potable et l’impact attendu du changement climatique sur les eaux superficielles et souterraines plus profondes nécessitent de mieux appréhender ces formations pour mieux les protéger et les gérer. C’est une des préoccupations du SDAGE Adour-Garonne qui demande qu’un effort d’amélioration de la connaissance des eaux souterraines soit notamment porté sur les milieux karstiques .
Le projet de recherche OKaNA a pour objectif principal d’expliquer et/ou de prédire la position et le fonctionnement actuels des massifs carbonatés karstifiés à la fois libres et sous couverture. Il s’inscrit dans la stratégie du BRGM de développer des travaux scientifiques de qualité sur ce sujet, afin d’améliorer la connaissance des ressources en eau dans les karsts et de leur fonctionnement.
Le présent rapport fait suite à une synthèse bibliographique faisant l’état des connaissances sur l’histoire géologique de la karstification ayant affecté la bordure nord-est du Bassin aquitain, (Husson et al., 2015). Aux périodes identifiées comme favorables à la karstification, ce travail apporte des éléments supplémentaires à la compréhension de la mise en place des réservoirs ainsi que de leur fonctionnement actuel.
Il est avant tout important d’intégrer que le processus de karstification ne se résume pas à la corrosion sur roche nue ou encore aux karsts gravifiques. Une synthèse des formes et processus, à l’origine du modelé karstique observables sur la bordure nord-aquitaine, a donc été réalisée, permettant d’appréhender que, non seulement les périodes de karstification sont nombreuses, mais qu’en plus, elles s’expriment sous différentes formes, combinées en fonction des facteurs géologiques. Ainsi le type de karstification a donc été pris en compte et ajouté à cette synthèse des connaissances.
Plusieurs fonctionnements hydrogéologiques se distinguent actuellement par le fait d’une karstification multiple et polyphasée :
- une extrême bordure est composée de formations jurassiques caractérisées par des réservoirs étendus, épais et très karstifiés, et un fonctionnement principal de type aquifères libres.
La zone présente de nombreuses formes de karstification témoignant du télescopage entre les périodes et les modes de karstification. Si les formes de karstification héritées du Crétacé inférieur sont difficiles à identifier dans cette zone, c’est parce que la longue évolution en domaine continental tout au long du Tertiaire en a gommé les traces. En effet, le karst actif est aujourd’hui très structuré par l’histoire cénozoïque du décapage progressif de la couverture sédimentaire crétacée et tertiaire, dont le retrait a permis la formation de fenêtres hydrogéologiques qui ont évolué avec les variations du niveau de base.
L
OKaNA
4 BRGM/RP-66812-FR - Rapport final - un karst profond et captif développé au sein des formations jurassiques sous couverture sédimentaire plus récente (crétacée et tertiaire), plus à l’ouest.
Deux hypothèses peuvent expliquer la formation de ce karst actuellement situé en profondeur. La première implique une karstification épigène au Crétacé inférieur. Au cours de l’émersion qui a duré plus de 35 Ma, l’éventail des processus de karstification à l’œuvre est probablement large et complexe. En effet, cette période d’émersion, associée à des indices évidents d’érosion, semble propice à la mise en place d’un karst gravifique. D’autres indices montrent qu’une karstification sous couverture a aussi été à l’œuvre au cours de cette période. L’impact de cette karstification ne peut être quantifié encore, car induite par une géodynamique encore trop peu contrainte.
La deuxième hypothèse, compatible avec la première, invoque des processus de karstification hypogène qui se développent dans le cœur des bassins sédimentaires et sur leurs marges. Des formes géomorphologiques, comme des pipes de brèches, des puits atypiques, ou encore les témoins de paléocirculations de fluides chauds sont autant d’indices qui révèlent un fonctionnement hypogène de circulation souterraine. Cette karstification hypogène, sans doute polyphasée, est difficile à dater. De plus, le karst ainsi formé, actuellement présent à grande profondeur, reste actif, assuré par les drainances naturelles et actuelles qui s’opèrent à l’échelle du Bassin . - un aquifère multicouche composite à caractère karstique au sein des formations crétacées, caractérisé par de petits bassins-versants.
Du fait de la présence de nombreuses épontes au sein de la pile sédimentaire, majoritairement gréso-carbonatée, les terrains crétacés ont à la fois le double rôle de couverture vis-à-vis du Jurassique sous-jacent et d’aquifères multicouches à caractère karstique . Bien qu’ayant subi une longue histoire karstique au cours du Cénozoïque, cet aspect « mille-feuille » a pour conséquence de segmenter le système en plusieurs réservoirs superposés et peu épais, limitant le développement vertical du karst .
Malgré cette compartimentation de l’ensemble des grands systèmes aquifères crétacés et jurassiques, les connections entre réservoirs intra-crétacés ou entre réservoirs crétacés et jurassiques sont possibles et se font par des failles, permettant des circulations ascendantes ou descendantes, selon la charge des aquifères captifs de la pile sédimentaire mésozoïque. Ceci ajoute un degré de complexité au système mais permet de mieux appréhender les questions de pollution de surface en profondeur ou encore le soutien fréquent des aquifères jurassiques aux aquifères crétacés.
Ce rapport clôt un travail de recherche de deux ans, qui reste encore préliminaire dans ses résultats et ses conclusions, mais laisse entrevoir de nombreuses perspectives dans les domaines appliqués de la recherche et de la gestion en ressource en eau.