par Pauline CORBIER - BRGM Aquitaine
Sommaire de l’article :
1. Contexte général
Dans le cadre de la convention pluriannuelle « Eaux souterraines » signée entre le BRGM, la Région Aquitaine et l’Etat (avec le soutien financier de l’Agence de l’Eau Adour Garonne) pour la période 2002-2006, puis 2008-2013, le BRGM Aquitaine a entrepris des travaux de reconnaissance des formations mio-plio-quaternaires, l’objectif étant de concourir à une gestion appropriée et raisonnée de ces ressources.
Ces travaux viennent en appui à l’élaboration de 6 SAGE concernés par l’extension de ces formations : Born-et-Buch, Lacs médocains, Leyre, Midouze, Ciron et Estuaire (cf. figure 1).
Le domaine d’étude s’étend sur 5 départements (Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques et Gers). Les terrains superficiels sont essentiellement sableux et en dehors des zones fortement urbanisées et des vallées, l’espace est occupé par une végétation sylvicole artificielle à base de pins maritimes.
La première année d’étude (cf. rapport BRGM/RP-56475-FR) a été consacrée à la compilation des données géologiques et à la réinterprétation lithostratigraphique de tous les ouvrages du secteur étudié puis au stockage de ces informations dans une base de données GDM (logiciel BRGM dédié à la valorisation des données géologiques et hydrogéologiques).
La deuxième année d’étude (cf. rapport BRGM/RP-57813-FR) a été consacrée à la modélisation géologique des formations et à la compréhension du fonctionnement des hydrosystèmes.
La troisième année d’étude (cf. rapport BRGM/RP-60259-FR) a été consacrée à l’étude plus détaillée de 3 territoires (Lacs médocains, Born-et-Buch et Leyre) pour d’une part répondre aux recommandations du Grenelle de la mer (amélioration des connaissances au niveau de l’interface eaux douces/eaux salées) et d’autre part, pallier le manque de connaissances en matière de qualité de l’eau sur le territoire du SAGE Leyre.
Au terme de ces 3 années d’investigations, il paraît intéressant de faire un point sur les principaux résultats obtenus en matière de géologie et d’hydrogéologie.
2. Géologie
Le dépôt des formations mio-plio-quaternaires est liée à une régression marine qui, dès le Miocène moyen (15 Ma environ), a entraîné une sédimentation continentale au sein du delta landais. D’épaisses formations constituées de couches sablo-graveleuses alternant avec des assises argileuses se sont alors déposées. Elles sont ordonnées selon 6 séquences et surmontées par la formation du Sable des Landes et/ou des dépôts alluviaux (dont les formations flandriennes) et/ou des dunes (cf. figure 2).
Les travaux de compilation, de réinterprétation lithostratigraphique et d’harmonisation des cartes géologiques à l’échelle 1/50 000 menés lors de la première année du programme permettent désormais de disposer d’une vision actualisée de la géologie des formations du Mio-Plio-Quaternaire (cf. figure 2). Les modifications les plus significatives portent sur la stratigraphie des formations d’Onesse et de Belin. Dans le nouveau référentiel, elles sont rattachées au Pliocène et non plus au Pléistocène inférieur (Quaternaire) comme antérieurement.
- Figure 2 : Succession lithostratigraphique et carte d’extension des formations mio-plio-quaternaires
L’ensemble des formations constitue un vaste réservoir aquifère multicouches dont l’épaisseur peut atteindre 50 m et d’extension latérale complexe, au sein duquel les réservoirs sableux ou graveleux peuvent être, suivant les endroits, soit connectés, soit isolés par des niveaux argileux d’extension et d’épaisseur très variables. Les Glaises bigarrées représentent le seul niveau imperméable d’extension régionale. Les autres niveaux argileux susceptibles d’isoler localement les aquifères sont représentés par le toit argileux de la formation d’Arengosse, le toit argileux de la formation d’Onesse, les argiles de Brach (sommet de la formation de Belin) et les argiles d’Argelouse (sommet de la formation de Castets).
Le modèle 10 couches mis en place au moyen du logiciel GDM a permis d’appréhender la géométrie des formations au moyen de cartes isohypses et isopaches et de coupes (cf. figure 3). Il apparaît que chaque territoire de SAGE présente des caractéristiques différentes en matière de nombre de formations présentes, d’épaisseur, d’extension et d’agencement. Au droit des 6 territoires de SAGE, le volume des formations mio-plio-quaternaires a pu être estimé à 362 Gm3. Ce volume n’est plus que de 84 Gm3 si l’on ne considère que le volume des formations affleurantes.
3. Hydrogéologie
De façon générale, les investigations menées au cours de la deuxième année d’étude ont permis de montrer que :
- les ressources disponibles au niveau de chaque territoire de SAGE sont particulièrement abondantes. Elles représentent au moins 450 millions de m3 par territoire, soit un volume largement supérieur aux prélèvements effectués toutes nappes confondues en Gironde en 2009 (165 millions de m3 en 2009). Le problème majeur réside dans le fait qu’elles ne sont pas toujours localisées aux endroits où les besoins sont les plus importants. Il est à noter que les prélèvements effectués à trop grande proximité des cours d’eau privent les rivières d’un débit dont certains sont tributaires,
- les niveaux de la nappe du Plio-Quaternaire n’ont pas beaucoup évolué depuis les années 1960-1970. Les écoulements semblent se faire de la même façon avec un drainage de la nappe par les cours d’eau prépondérant en toute saison. La nappe contribue aussi à l’alimentation des lacs et des étangs (SAGE Lacs médocains & Born-et-Buch) et des zones humides (SAGE Estuaire),
- la qualité de l’eau est relativement satisfaisante. La nappe plio-quaternaire se caractérise toutefois par des turbidités et des teneurs en fer et manganèse assez élevées, des teneurs en ammonium et arsenic importantes sur la bordure littorale et une contamination anthropique par des nitrates et des molécules phytosanitaires dans la partie sud-est du territoire (sources du Gers en particulier).
Les investigations complémentaires menées lors de la troisième année d’étude ont dans un premier temps permis de mieux caractériser la qualité des eaux souterraines sur le territoire du SAGE Leyre. Dans un premier temps, 52 points d’eau (45 puits ou forages et 7 sections de cours d’eau) ont fait l’objet de prélèvements. Outre les paramètres physico-chimiques classiques (température, pH, conductivité), les dosages ont porté (au moyen de kits portatifs) sur le fer, le calcium, les chlorures, les nitrates et les sulfates (cf. figure 4). A la vue des résultats, 5 points d’eau (4 puits et forages et un prélèvement effectué dans l’Eyre) ont fait l’objet d’analyses complètes.
Au final, il apparaît que sur le territoire du SAGE Leyre, les eaux souterraines se caractérisent par des pH acides et de faibles conductivités et les eaux superficielles, par des pH proches de la neutralité et des conductivités similaires à celles des eaux souterraines, ce qui laisse envisager une bonne connexion entre la nappe et le cours d’eau. La contamination des eaux par les nitrates est modérée (teneurs moyennes respectives de 5,1 et 3,8 mg/l dans les eaux superficielles et souterraines et teneur maximale inférieure à 35 mg/l sur les 52 échantillons). Aucune trace de produits organiques (sur les 38 espèces recherchées) n’a été détectée sur les 4 puits et forages ayant fait l’objet d’analyses complètes. De la bentazone (herbicide) a par contre été détectée sur le prélèvement d’eau superficielle (0,027 µg/l).
- Figure 4 : pH, conductivités et teneurs en nitrates mesurés sur le territoire du SAGE Leyre en août 2010
Sur les territoires des SAGE « Lacs médocains » et « Born-et-Buch », les investigations ont consisté à acquérir de nouvelles données piézométriques (niveaux d’eau), hydrométriques (débits) et hydrodynamiques (transmissivités et coefficients d’emmagasinement ). Elles ont mis en évidence :
- une stabilité des modalités d’écoulement dans le temps et les directions avec des isopièzes quasi similaires à celles tracées dans les années 1960. L’écoulement global des nappes se fait d’est en ouest et contribue largement à l’alimentation des lacs. Le battement des nappes est, quant à lui, relativement faible (1,5 m au maximum) (cf. figure 5),
- des rapports entre débits de hautes eaux et de basses eaux très différents d’une section à l’autre (impact des prélèvements effectués à proximité de certaines crastes ?) ainsi qu’un débit spécifique plus important sur le territoire du SAGE « Born-et-Buch » que sur le territoire du SAGE « Lacs médocains » (impact de l’agencement des formations géologiques ?),
- des transmissivités variant dans un rapport de 1 à 12 et des coefficients d’emmagasinement variant dans un rapport de 1 à 16 sur le territoire du SAGE « Lacs médocains » alors que sur le territoire du SAGE « Born-et-Buch », les paramètres hydrodynamiques ne varient que dans un rapport de 1 à 3.
4. Conclusion
Les 2 années d’étude 2012 et 2013 seront consacrées à la poursuite de l’acquisition de données sur les territoires des SAGE « Lacs médocains » et « Born-et-Buch » dans l’objectif de mieux comprendre le fonctionnement des hydrosystèmes au moyen de modèles maillés. D’autres thématiques comme la comparaison des teneurs en phosphore des eaux superficielles et souterraines, les risques de contamination de la nappe et des lacs par les rejets de STEP ou les risques d’inondation par remontée de nappe seront aussi abordées pour répondre aux besoins spécifiques des SAGE.