par M. Saltel - BRGM Aquitaine
Sommaire de l’article :
- 1. Définition du réservoir
- 2. Caractéristiques hydrodynamiques
- 3. Alimentation de la nappe
- 4. Piézométrie
- 5. Exutoires
- 6. Géochimie
1. Définition du réservoir
L’aquifère oligocène s’étend sur une vaste zone, dans la partie ouest du Bassin aquitain (Figure 1). Au nord, les faciès marins constitués de sables, grès et calcaires à Astéries forment l’essentiel de l’aquifère oligocène. A l’est, l’érosion des calcaires au droit de la vallée de la Garonne limite ce complexe. En effet, en rive droite de la Garonne, la nappe est perchée sur un ensemble imperméable et constitue un système isolé, bien délimité par le réseau hydrographique encadrant (Garonne, Dordogne, Dropt). Au centre du Bassin , la structure de Villagrains-Landiras correspond à une zone de lacune des formations oligocènes. Dans la partie sud, les formations aquifères sont essentiellement formées par des calcaires gréseux. En direction du sud-est, l’Oligocène évolue vers des faciès plus molassiques dans lesquels existent uniquement des horizons aquifères discontinus. Cet ensemble constitue une des limites de l’aquifère . Vers l’ouest, les reconnaissances par forages et les études géophysiques effectuées au large montrent l’évolution des faciès vers des marnes pélagiques qui diminuent rapidement les propriétés réservoirs.
Le mur de l’aquifère est formé par les terrains de l’Oligocène inférieur basal (Rupélien basal) et du membre A de l’Oligocène inférieur (Figure 2). L’ensemble basal intègre la formation des Molasses du Fronsadais dont la puissance peut atteindre 30 à 40 m et la formation de Castillon dont l’épaisseur est comprise entre 1 et 5 m. Le membre A est constitué, sur la rive gauche de la Garonne, de calcaires marneux fins, tandis qu’à l’ouest les faciès évoluent vers des marnes grises.
Les membres B et C de la formation des calcaires à Astéries constituent la partie aquifère de l’Oligocène. Ce réservoir correspond à des calcaires à texture grainstone bioclastiques . Une intercalation de marnes et de calcaires marneux de quelques mètres d’épaisseur est présente à la base du membre C.
Le toit de l’aquifère est formé par les assises imperméables du Chattien et de l’Aquitanien basal. La partie inférieure de cette éponte est constituée par des marnes et argiles de l’Oligocène supérieur dont l’épaisseur est inférieure à 5 m. Dans la partie supérieure, l’éponte est composée par des argiles sableuses bleu-verdâtre issues de la première transgression miocène.
Au nord de la structure de Villagrains-Landiras, la puissance des formations aquifères peut atteindre 100 m. L’éponte inférieure voit son épaisseur diminuer jusqu’à parfois disparaître à l’ouest d’Hourtin et autour de l’axe Saint-Symphorien/Bassin d’Arcachon. L’imperméable situé au sommet de l’aquifère oligocène présente des épaisseurs variables. De 5 à 50 m sur le littoral Atlantique, plus de 100 m au nord de la presqu’île du Cap-Ferret et 5 à 20 m dans la région bordelaise.
Au sud de Villagrains-Landiras, l’épaisseur des épontes est beaucoup plus importante. De 100 à 1 000 m pour celles localisées à la base et de 5 à 100 m pour celles rencontrées au sommet de l’aquifère .
Figure 1 : Carte de localisation de l’Oligocène du Bassin aquitain [BRGM, 2010]
- Figure 2 : Coupe lithostratigraphique synthétique de l’Oligocène et de ses terrains de recouvrement dans la région Bordelaise [Platel et al., 2000]
A l’ouest de la Garonne, les calcaires de l’Oligocène sont affleurants ou sub-affleurants sous un recouvrement alluvial peu épais. Dans ce secteur, la nappe est libre et en communication directe avec les nappes sus-jacentes. En direction de l’ouest, le réservoir est rencontré en forage à des profondeurs croissantes, recouvert par les marnes et argiles oligo-miocènes et les sables argileux miocènes et quaternaires. La nappe devient alors captive (Figure 3).
- Figure 3 : Coupe représentative du réservoir oligocène [Platel et al., 2000]
2. Caractéristiques hydrodynamiques
L’analyse des valeurs de transmissivités, issues de 125 mesures provenant de la littérature, permet d’illustrer l’hétérogénéité des propriétés hydrodynamiques de l’aquifère oligocène [Larroque, 2004]. La Figure 4 met en évidence l’existence de trois ensembles.
- Figure 4 :Répartition des transmissivités mesurées pour l’aquifère oligocène [Larroque, 2004]
La distribution des valeurs du premier groupe obéit très schématiquement à une distribution normale centrée sur 3.10−4 m2.s−1. Cet ensemble est caractérisé par de faibles fréquences (la valeur maximale étant 7). Le deuxième groupe présente une répartition bi-modale mal marquée dont les fréquences maximums sont centrées sur 2.10−3 m2.s−1 et 5.10−3 m2.s−1. Le troisième groupe est plus isolé et correspond à un pic à 2.10−2 m2.s−1, valeurs traduisant de fortes transmissivités. Ces fortes valeurs, localisées majoritairement au sud de Bordeaux, sont liées à des faciès calcaires présentant une fissuration élevée et une porosité très ouverte.
La répartition spatiale de ces valeurs ne montre pas d’organisation nette [Larroque, 2004]. Toutefois, il ressort que les valeurs les plus fortes sont observées au droit des affleurements oligocènes et tout particulièrement près des ruisseaux du Saucats et du Gat-Mort du fait de l’importance locale de la karstification. A proximité de la côte, les transmissivités s’échelonnent de 8.10−4 m2.s−1 à 9.10−3 m2.s−1. Les faciès sont caractérisés par une certaine homogénéité dans ce secteur. Les perméabilités correspondantes sont voisines de 1.10−5m.s−1 et fluctuent selon l’importance de la fraction marneuse.
Les valeurs de coefficient d’emmagasinement disponibles sont quant à elles peu nombreuses et concernent essentiellement les secteurs de Bordeaux et d’Arcachon. Elles sont de l’ordre de 1.10-5 à 3.10-4 pour la partie captive.
3. Alimentation de la nappe
Les formations aquifères de l’Oligocène sont affleurantes en rive gauche de la Garonne et de la Gironde. Dans ce même domaine, où l’aquifère est très transmissif, la nappe est également fortement drainée par le réseau hydrographique qui constitue l’exutoire majeur du système. Il s’opère donc dans ces secteurs un mélange entres les eaux plus anciennes (ayant alimenté la nappe il y a plus de 50 ans) et les eaux actuelles comme le confirment les mesures de tritium [Hosteins, 1982].
Par ailleurs, les phénomènes de drainance en relation avec les aquifères sus-jacents ont un rôle prépondérant dans l’alimentation de l’aquifère de l’Oligocène. Le Médoc est vraisemblablement le siège d’échanges importants entre les aquifères du Miocène et de l’Oligocène (Figure 5). La comparaison de la piézométrie des deux nappes révèle une forte similitude dans la forme des isopièzes. Les hauteurs piézométriques mesurées sur une même verticale étant plus fortes pour la nappe du Miocène que pour celle de l’Oligocène.
De même, une alimentation par l’intermédiaire des aquifères de l’Éocène et du Crétacé supérieur est probable au droit de la structure de Villagrains-Landiras.
- Figure 5 : Zones de communications potentielles entre l’aquifère de l’Oligocène et les aquifères encadrant [Hosteins, 1982]
4. Piézométrie
Les premières cartes piézométriques ont d’abord été réalisées autour des agglomérations. L’évolution du modelé piézométrique a donc été observée en rive gauche de la Garonne, en région bordelaise, et autour du Bassin d’Arcachon. Ce n’est qu’au début des années 1980 que la piézométrie de la nappe oligocène a été construite à une échelle plus globale ([Singo, 1981] ; [Hosteins, 1982]). Les cartes réalisées montrent l’existence d’une zone à potentiels plus élevés, orientée selon un axe nord-sud, au nord de la structure de Villagrains-Landiras (Figure 6).
- Figure 6 : Carte piézométrique de la nappe de l’Oligocène représentative de l’année 1996 [Bonnery et al., 1997]
Les écoulements construits divergent à partir de cet axe et vont définir deux domaines :
- A l’ouest, ces écoulements sont dirigés vers l’océan Atlantique. Les gradients hydrauliques sont assez homogènes dans la partie occidentale du Médoc (environ 2 ‰). Plus au sud, les isopièzes viennent épouser la forme du Bassin d’Arcachon et indiquent la présence d’un axe de drainage coïncidant au tracé de la Leyre,
- A l’est, les directions d’écoulements sont orientées vers la Garonne et la Gironde. Les gradients hydrauliques sont plus forts dans ce secteur (autour de 5 ‰) et le modelé piézométrique est moins régulier. Le réseau hydrographique vient influencer la distribution des isopièzes en drainant la nappe oligocène, soit directement, soit par l’intermédiaire des alluvions de la Garonne. Ceci est particulièrement visible pour les ruisseaux de la Jalle, du Saucats et du Ciron.
Au sud de Bordeaux, la distribution des isopièzes est fortement influencée par l’exploitation de la nappe pour l’alimentation en eau potable . Sur le secteur dit de la ligne des « 100 000 m3/jour » (ensemble d’une dizaine d’ouvrages orienté selon un axe nord-sud servant à l’alimentation en eau potable de la CUB), les prélèvements ont induit progressivement la formation d’une dépression provoquant le recul de la limite de captivité du réservoir. Ainsi, sur certains secteurs fortement sollicités (ligne des « 100 000 m3/jour », Mérignac), des dénoyages locaux sont observés ([Corbier et al., 2005], [Saltel et al., 2010]).
Au sud du Bassin aquitain, le nombre plus restreint de points de mesure dans le département des Landes rend la construction des isopièzes plus incertaine. Toutefois, leur distribution indique que l’écoulement est orienté vers l’ouest avec un gradient hydraulique globalement faible, hormis à l’ouest et au sud-ouest à proximité de la côte [Hosteins, 1982].
5. Exutoires
A l’ouest, la Garonne et ses affluents (Jalle, Saucats, Ciron) drainent la nappe oligocène qui émerge en de nombreuses aires d’exutoire le long de ces cours d’eau.
Par ailleurs, près de 116 sources ont été recensées en rive gauche de Garonne et de Gironde de Langon à Lesparre-Médoc [Schnebelen et al., 2002]. Présentant des débits variables, ces émergences constituent une forme majeure d’exutoire pour la nappe oligocène. Les sources les plus importantes sont celles de Budos, de Gamarde, de Thil, de Bussaguet et de Bellefond. Les débits naturels de ces sources restent difficilement quantifiables du fait des aménagements effectués pour l’alimentation en eau potable de l’agglomération bordelaise. Les débits mesurés aux sources non exploitées pour l’alimentation en eau potable sont particulièrement hétérogènes (Figure 7).
Source | Lieu | Débit (m3/h) |
---|---|---|
Dame Houn | Saint-Selve | 03 |
Nodoy & Virelade | Virelade | 63 |
Lavoir | Podensac | Entre 300 et 600 |
Barthe | Cérons | 40 |
Chateau Barthe | Cérons | 20 |
Chateau Saint-Cricq | Cérons | Entre 150 et 200 |
Lavoir | Illats | 16 |
Moulin | Budos | 28 |
Figure 7 : Débit naturel de quelques sources oligocènes non exploitées [Schnebelen et al., 2002]
Les sources de Budos, localisées au sud-est de Bordeaux en rive gauche du Ciron drainent l’aquifère des calcaires karstifiés de l’Oligocène affleurant au sud-est de la structure de Villagrains-Landiras à cœur crétacé. Un jaugeage effectué en période d’étiage en 1884 avait mis en évidence un débit supérieur à 1 100 m3/h. En 2001, les sources de Budos ont fourni un débit moyen de 28 800 m3/jour. Le débit de ces sources, et notamment celles de Budos, est influencé par les fluctuations climatiques. Les jaugeages effectués en septembre et octobre 2000 par le BRGM sur la source de Fontbanne à Budos montrent que les débits sont de l’ordre de 1 200 m3/ h [Schnebelen et al., 2002]. L’impact des variations saisonnières est visible sur les chroniques d’évolution de la conductivité et du fer.
Les apports météoriques se répercutent également sur l’activité en tritium (3 UT) de l’eau issue de la source [Chery et Gadalia, 2001].
L’océan Atlantique, niveau de base actuel, constitue pour l’ensemble des aquifères tertiaires une zone d’exutoire diffuse directe ou indirecte. Au sud de la presqu’île du Cap-Ferret, les sédiments argilo-marneux créent une barrière à l’écoulement. La différence de charge entre les nappes oligocènes et miocènes induit une drainance ascendante à proximité de l’océan. L’aquifère du Miocène constitue ici un exutoire pour la nappe de l’Oligocène [Hosteins, 1982]. Au nord-ouest, les eaux souterraines émergent probablement plus directement par l’intermédiaire de karsts sous-marins localisés au large entre Soulac et Montalivet [Courrèges, 1997]. Les affleurements calcaires s’étendent ici sur plus de 25 km de long et sur 4 à 8 km de large. La bathymétrie souligne une morphologie karstique caractérisée par une succession de dépressions et de buttes. Ces formes sont allongées dans la direction est-ouest, tout comme les talwegs très nombreux qui correspondent probablement aux lits d’anciens cours d’eau qui se déversaient plus à l’ouest lors de périodes de bas niveau marin.
6. Géochimie
Les eaux de l’Oligocène sont caractérisées par un faciès bicarbonaté calcique à minéralisation modérée. Les eaux sont de bonne qualité, mais localement vulnérables aux pollutions.
En effet, dans les secteurs où les formations aquifères oligocènes sont affleurantes à sub-affleurantes, des concentrations en nitrates élevées peuvent être rencontrées. Ces zones correspondent à des aires d’alimentation dans lesquelles un mélange s’opère entre les eaux plus anciennes (ayant alimenté la nappe il y a plus de 50 ans) et les eaux actuelles.
Des traçages effectués sur les ruisseaux du Monastère, de la Jalle de Saint-Médard, et du Saucats, mettent en évidence une alimentation de la nappe par les rivières pouvant entraîner une dégradation de la qualité de l’eau de la nappe [Schnebelen et al., 2002].
La température des eaux de la nappe oligocène varie entre 13,5°C et 18°C selon les profondeurs de captage.
Les conductivités sont comprises entre 200 et 600 µS.cm-1 dans la zone captive alors que dans les secteurs où la nappe est sub-affleurante et à proximité du littoral, les valeurs mesurées peuvent être plus fortes.