Le Turonien (Crétacé supérieur)

par P. Durst - BRGM Orléans

Sommaire de l’article :

1. Aquifère   du Turonien

A la suite de la transgression   cénomanienne, une phase marine de sédimentation de plate-forme carbonatée s’installe sur une grande partie de l’Aquitaine pendant le Turonien (Formations de la Couronne, de Domme et de Villars, surmontées par les Formations d’Angoulême, puis de Bourg-des-Maisons). Des variations latérales de faciès   apparaîssent pendant cette période sur la bordure nord-orientale de la plate-forme carbonatée en raison de nombreux épandages silicoclastiques (Formations de Saint-Cirq, de Sauveterre et de Sainte-Mondane).

Dans le sud du bassin  , le réservoir correspond à la Formation de Jouansalle, qui est bien caractérisée autour des structures positives des Landes (Audignon, Tercis, Roquefort,…).

La faible régression   marine, amorcée durant le Turonien moyen, s’est amplifiée pendant le Turonien supérieur et a finalement permis des émersions localisées au sommet de l’étage, avec des érosions ponctuelles, scellées par des dépôts marneux lors du retour de la mer au Coniacien inférieur. Les faciès   carbonatés fossilifères et aquifères   du Turonien moyen à supérieur sont donc limités à la base par des faciès   crayeux homogènes et compacts, consécutifs au maximum de la transgression  , et dans certains secteurs par des faciès   plus ou moins marneux à l’extrême base. Les niveaux supérieurs épais de plusieurs mètres de marnes sont localisés dans le Périgord Noir et au niveau des structures anticlinales majeures (émersion liée au paléo-reliefs).

Le Turonien moyen à supérieur correspond donc à un aquifère   d’une puissance de l’ordre de 30 à 60 mètres environ, voire inférieure dans les secteurs où l’émersion ante-coniacienne a entrainé des lacunes de dépôt et/ou des érosions. Les hétérogénéités latérales de faciès   conditionnent de manière importante l’aquifère   qui devient perméable dans les formations détritiques   sableuses de l’est de la plate-forme nord aquitaine.

2. Faciès   et extension

Au-dessus du Turonien inférieur, constitué partout de calcaires crayeux surmontant des marnes dans le nord-ouest, les faciès   réservoir sont à dominante calcaire : granulaires à microgranulaires dans le Sud-Charentes ou crayo-bioclastiques   (Formation d’Angoulême), surmontés par des calcaires micritiques   (Formation de Bourg-des-Maisons) entre Angoulême, La Tour-Blanche et Périgueux. Des communications hydrogéologiques peuvent exister avec la nappe   du Coniacien en particulier dans la partie nord-ouest du département de la Dordogne et dans le sud des Charentes, c’est-à-dire en l’absence d’éponte imperméable marneuse au contact Coniacien-Turonien.

Figure 1 : Coupe lithostratigraphique des formations du Crétacé du Périgord Noir (Dordogne) et de Lot-et-Garonne

Dans tout l’est de la Dordogne et le nord-est du Lot-et-Garonne (Périgord Noir et Bouriane), la puissance du réservoir se réduit alors que les faciès   deviennent progressivement gréseux puis sableux vers l’est (Formations de Saint-Cirq, de Sauveterre et de Sainte-Mondane). Ces formations gréso-sableuses présentent globalement des potentialités intéressantes, compte tenu du développement de la porosité   interstitielle et de la perméabilité   de fissures.

La partie libre du réservoir s’étend depuis l’est du département de Lot-et-Garonne (secteur de Fumel - Sauveterre) jusqu’à la côte atlantique (secteur de Rochefort) en passant par le nord-est de la Dordogne (secteurs de Carlux, Montignac, La Chapelle-Faucher, Beaussac) et la Charente (Angoulême, Chateauneuf, Cognac). Le réservoir réapparaît à l’affleurement   au niveau des structures anticlinales de Saint-Cyprien, Périgueux, La-Tour-Blanche, Brantôme, Mareuil et autour du vaste anticlinal   de Jonzac (Le Gua, Pons, Jonzac).

Vers le sud-est et le sud, le réservoir Turonien est absent de toute la moitié sud-orientale du Lot-et-Garonne par suite de l’érosion ante-tertiaire. Sa limite d’extension suit approximativement la vallée du Lot jusqu’à sa confluence, se poursuit vers le sud jusqu’à Mézin, puis se prolonge vers le nord-ouest jusque vers Labrit en longeant les anticlinaux de Créon-d’Armagnac et Roquefort. Elle remonte ensuite approximativement vers le nord dans le secteur de Sore, puis repart vers le nord-ouest par Mano, pour longer ensuite la vallée de L’Eyre, puis la côte nord-est du bassin   d’Arcachon. Tous les terrains turoniens situés à l’ouest de cette limite, depuis Labrit, sont marneux et le réservoir captif se ferme donc rapidement à l’est.

Figure 2 : Coupe géologique des réservoirs Turonien et Cénomanien sous l’agglomération de Bordeaux (d’après Platel et al., 2008)

Dans le secteur de Saint-Magne en Sud-Gironde, le réservoir n’existe pas car il y a une très importante lacune d’érosion de toute la partie supérieure de la série crétacée ; les terrains du Miocène reposant directement sur les calcaires du Cénomanien (le récent forage 08515X0052/F1, profond de 315 m réalisé en 2007 par le SMEGREG, confirmant les attributions des vieux sondages de reconnaissance pétrolière Saint-Magne 1 et Beliet 1).

En dehors de ces zones, l’aquifère   devient rapidement captif vers le sud, ne réapparaissant qu’à la faveur des structures de Roquefort et d’Audignon, contenu dans les calcaires fossilifères souvent très recristallisés de la partie inférieure de la Formation de Jouansalle.

3. Profondeur et puissance

L’enfoncement général de l’aquifère   s’effectue vers le sud-ouest, fortement influencée par les anticlinaux et les structures synclinales qui les séparent. L’ensemble de ces structures conditionne l’importance relative de la fissuration des calcaires turoniens.

Le mur de l’aquifère   atteint -500 NGF à partir d’une ligne passant par Le Verdon, longeant l’estuaire de la Gironde, passant par La Roche-Chalais, Mussidan, Bergerac pour retourner vers le sud-ouest près de Issigeac, puis vers l’ouest par La Réole, jusqu’à la Garonne près de Cadillac, pour rejoindre la faille de la Leyre près de Biganos.

La zone la plus profonde (> -800 NGF) de la plate-forme orientale est située entre Libourne et Sainte-Foy-la-Grande. Mais c’est à l’ouest de Bordeaux que le réservoir entièrement carbonaté est le plus profond (> -1 000 NGF). Il remonte jusqu’au sol de part et d’autre de l’anticlinal   de Saint-Magne-Villagrains, par biseau progressif d’érosion. Au sud de cette structure et jusqu’à celle de Roquefort où il affleure, le réservoir s’approfondit d’est en ouest jusqu’à plus de -900 NGF à l’ouest de Sore.

Quand il existe, le toit du réservoir dépasse localement 3 000 m de profondeur dans le bassin   d’avant-pays pyrénéen (Meillon, Jurançon).

La puissance de l’aquifère   est assez variable, de l’ordre de 40 à 60 m avec des secteurs pouvant dépasser 70 m en Dordogne. C’est également le cas dans le secteur sud du Médoc et le nord de la Gironde (Bourgeais) avec des puissances dépassant 70 m et atteignant 100 m environ entre Carcans et Brach. Les puissances reconnues, dans les sondages géothermiques qui le captent sous l’agglomération bordelaise et dans les sondages pétroliers, sont dans la moyenne des valeurs. Par contre dans l’est de la Dordogne et du Lot-et-Garonne, la puissance du réservoir se réduit à 40 m environ, voire moins, avec l’apparition des faciès   silicoclastiques.

4. Piézométrie et prélèvements dans le Turonien

La piézométrie de la nappe   du Turonien n’est connue que dans sa partie nord-est ; le nombre de points de mesure dans les secteurs plus profonds est trop limité pour pouvoir l’établir de façon satisfaisante.

Figure 3 : Carte piézométrique de la nappe du Turonien

La figure 4 recense les 385 données de prélèvement   connues dans l’aquifère   Turonien en 2004. Le volume total prélevé est de 20,5 millions de m3.

On distingue 2 pôles de prélèvements :

  • un pôle principal à l’est de la zone d’étude qui comprend principalement le département de la Dordogne, mais aussi le Lot-et-Garonne et la Charente dans les secteurs où l’aquifère   est le moins profond : 16,4 millions de m3 prélevés par 250 forages ;
  • un pôle de moindre importance en Charente-Maritime : 4,1 millions de m3 par 135 forages.

Quelques forages sollicitent l’aquifère   dans le Médoc à proximité de l’estuaire de la Gironde et autour de Bordeaux (forages géothermiques captant le Turonien et le Cénomanien).

Figure 4 : Localisation des prélèvements dans la nappe du Turonien

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