une doline

Le terme doline est un dérivé du mot « dolina », une expression slovène pour évoquer une vallée. De nos jours, il est utilisé pour définir une figure caractéristique du karst  .

Les dolines (figures 1 et 2) sont des dépressions fermées, généralement de forme circulaire ou elliptique, de dimensions petites ou modérées (quelques mètres à 50 m), et généralement moins profondes que larges. Certaines, les méga-dolines, peuvent avoir plus d’un kilomètre de diamètre et plus de 100 m de profondeur. Elles sont situées à la surface des roches solubles, telles le calcaire, et résultent de leur dissolution chimique.

Doline - photo 1 © BRGM Nathalie Dörfliger
Doline - photo 2 © BRGM François Michel

Les géomorphologues karstiques   ont toujours accordé une importance particulière à l’étude des dolines car le karst   est toujours développé là où des dolines affleurent en surface, mais l’absence de dolines ne signifie pas l’absence de karst   [1] en profondeur car les conduits karstiques   peuvent évoluer sans dolines en surface (Goldscheider and Drew, 2007).

Création des dolines et morphologie associée

Les facteurs à l’origine de la genèse des dolines sont les mêmes que ceux permettant la karstification des formations carbonatées en général. L’eau s’infiltre par les fissures et les fentes de la roche puis, par dissolution, les fissures s’élargissent : un tassement de la surface se produit et crée une dépression fermée, donnant naissance à une doline classique.

Les dolines peuvent être classées en plusieurs groupes (Waltham and Fookes), chacun possédant un mécanisme de formation différent (figure 1) :

  • les dolines de dissolution sont formées par une dissolution [2] lente et progressive de la partie superficielle de la roche, aidées par un léger effondrement. Elles sont très représentées dans les terrains karstiques   nus, donnant une morphologie en cuvette ou en entonnoir ;
  • les dolines d’effondrement sont formées par un effondrement instantané ou progressif du toit d’une cavité [3]. Les dolines d’effondrement ne sont pas communes ; ce sont souvent les formes très avancées des dolines de dissolution ;
  • les dolines enfouies sont recouvertes par une couverture meuble suite à un changement d’environnement. Des désordres en surface peuvent apparaître par compaction de la couverture au-dessus de la doline et par réactivation de la fonction de drainage de la doline ;
  • les dolines de subsidence apparaissent quand un sol recouvre un karst  . L’eau entraîne des éléments de ce sol dans les fissures et cavités. Selon la nature de la couverture, il se crée alors une doline de suffosion [4] (dans les formations sableuses sans cohésion) ou une doline d’effondrement (dans les formations argileuses cohésives) qui s’apparente au second cas.
Figure 1 : Classification des différents types de dolines se développant en contexte de roches solubles (Waltham et Fookes, 2003)

Le mécanisme de création par dissolution donne naissance à des dolines, dont la majorité a des dimensions comprises entre 2 et 50 m, à la fois en largeur et en profondeur. Diverses formes peuvent alors être associées à ces dolines de dissolution (figure 2 - Gilli, 2011) :

Figure 2 : Quelques formes classiques de dolines

  • dolines en verre de montre : en coupe, elles ont une forme en arc de cercle ;
  • dolines en entonnoir : les versants sont pentus, le fond est souvent obstrué de gros blocs ;
  • dolines en baquet ou en chaudron : elles possèdent des bordures verticales au-dessus d’un plancher horizontal ;
  • dolines asymétriques : elles montrent un versant plus pentu que l’autre ;
  • dolines de soutirage : ce sont des formes qui affectent un matériau meuble recouvrant une zone karstique  . En début d’évolution, elles ont généralement une forme en entonnoir ou en verre de montre mais elles peuvent évoluer brutalement vers un effondrement avec des bordures verticalisées et laisser apparaitre le substratum rocheux.

Rôle des dolines dans l’infiltration d’eau (figure 3)

L’étude des dolines amène donc des informations sur l’expression du karst   en surface mais elle donne aussi des indications sur les zones d’infiltration préférentielles. En effet, l’infiltration de l’eau dans la doline peut se faire à différents niveaux (Salomon, 2006) :

  • à la surface du karst  , les pluies peuvent ruisseler et l’eau peut s’introduire rapidement dans l’endokarst [5] à travers des fissures au fond de la doline. En l’absence de contact avec le sol, les eaux qui pénètrent dans l’aquifère   sont peu chargées en carbonates.
  • une infiltration au niveau de la couverture pédologique [6]. où elle pourra être plus ou moins lente en fonction de la présence de fissures ;
  • une infiltration épikarstique [7] donnera naissance à un écoulement sous-cutané [8], ce dernier étant défini par l’eau qui traverse la couche supérieure et altérée des calcaires sur les flancs de la doline. Dans ces eaux, la concentration en carbonate est élevée et s’explique par un contact prolongé de l’eau avec le calcaire.

Toutes ces eaux qui s’infiltrent traversent la zone épikarstique pour rejoindre un drain [9] principal en direction d’une rivière souterraine.

Au final, les dolines constituent des chemins d’infiltration préférentiels vers la nappe   et peuvent avoir ainsi une incidence sur la quantité et la qualité des eaux souterraines. Elles peuvent en effet avoir un rôle déterminant dans la pollution des nappes   car elles permettent de concentrer les écoulements et de favoriser l’entrée de l’eau dans les aquifères   (Salomon, 2006). Leur connaissance (densité, morphologie, remplissage, …) est donc primordiale et les secteurs contenant beaucoup de dolines peuvent être considérées comme des zones à risque de pollution.

Figure 3 : Fonctionnement d’une doline en entonnoir (d’après Salomon, 2006)

Bibliographie

Gilli E. (2011) - Karstologie - Karsts, grottes et sources. Collection : Sciences Sup, Dunod, 256 p.

Goldscheider N. and Drew D. (2007) - Methods in karst   hydrogeology. IAH   International Association of Hydrogeologists, Taylor & Francis, London, 264 p.

Salomon J-N. (2006) - Précis de karstologie (2e édition). Presses Universitaires de Bordeaux : 289 p.

Waltham A.C. and Fookes P.G. (2003) - Engineering classification of karst   ground conditions. Quarterly Journal of Engineering Geology and Hydrogeology, v.36 ; p101-118.

[1Ensemble des phénomènes et des vides spécifiques des roches susceptibles d’être mises en solution tout en conservant une tenue telle que ces vides soient durables ; également utilisé pour désigner une région où existent de tels phénomènes.

[2Processus chimique agissant sur la roche se caractérisant par la mise en solution des éléments composant la roche. Cette dissolution est d’autant plus active que l’eau est agressive (chargée en CO2).

[3Vide karstique pénétrable, grotte ou gouffre.

[4Evolution de sédiments détritiques par déplacement de l’eau, éventuellement par dissolution

[5Partie souterraine du karst dans laquelle l’eau transite à travers des conduits souterrains (rivières ou fissures).

[6Pédologie : étude scientifique des sols

[7Epikarst : Partie superficielle du karst dans laquelle l’eau s’infiltre

[8Ecoulement de l’eau dans les premiers centimètres du sol.

[9Conduit vertical ou horizontal faisant transiter l’eau d’un point à un autre.

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