La connaissance des échanges nappes -rivières est abordée dans le projet Eaux-SCARS au moyen de diverses actions : campagnes hydrochimiques, cartes piézométriques, suivis continus de débit/Température/conductivité des cours d’eau, jaugeages différentiels. Les capteurs thermiques aéroportés sont utilisés depuis quelques temps pour mettre en évidence des apports de nappes au débit des cours d’eau (Faux et al., 2001 ; Handcock et al., 2012 ; Wawrzyniak, 2012 ; Ré-Bahuaud, 2015 ; Marteau et al., 2020 ; Chapuis et al., 2021). Afin d’évaluer la pertinence de cette méthode sur le territoire d’étude, deux captations ont été réalisées.
Principe
Le principe de l’approche thermique repose sur le contraste de température qui peut exister entre les eaux superficielles, correspondant aux eaux de la rivière, et les eaux souterraines. En effet, la température des eaux superficielles est très sensible aux conditions météorologiques (température de l’air, ensoleillement, etc.) et l’amplitude thermique entre la saison hivernale, où les eaux superficielles peuvent être à des températures inférieures à 5°C, et la saison estivale, avec des eaux superficielles pouvant avoisiner les 30°C, est très importante. Au contraire, l’amplitude thermique des eaux souterraines est bien moindre et reste relativement constante au cours de l’année. Ainsi, ces contrastes importants peuvent permettre d’identifier distinctement les eaux souterraines qui se déversent au profit de la rivière.
D’autres critères sont cependant à prendre en compte :
- Durant la période hivernale, la végétation est en dormance. Ainsi l’absence de couvert végétal important facilite les conditions de vol de l’appareil et surtout parasite moins l’acquisition thermique. Toutefois, d’autres aspects météorologiques tels que les conditions de vent, de pluie et de visibilité sont à prendre en considération et sont, à cette période, généralement moins favorables. De plus, les débits de la rivière sont habituellement en condition de hautes eaux et la dilution des eaux souterraines y est ainsi plus forte, limitant potentiellement l’observation des arrivées d’eau de nappe plus chaude.
- La période estivale présente des conditions météorologiques généralement plus favorables. De même, les conditions de basses eaux limitent le phénomène de dilution et les arrivées d’eaux plus froides peuvent être davantage visibles. Il faut cependant prendre en considération le couvert végétal qui est plus dense à cette époque, et constitue selon la zone d’étude un critère déterminant.
Au regard des conditions de sites, la captation thermique réalisée pour ce test s’est effectuée durant la période hivernale. Le capteur utilisé a été embarqué sur drone.
Résultats
Afin de vérifier les capacités de cette approche, des tests ont été menés sur 2 tronçons de cours d’eau :
Saint Vincent sur l’isle
Contexte
Les campagnes de jaugeages en série (plusieurs mesures du débit le long d’un cours d’eau) réalisées en mai puis septembre 2022 avaient mis en évidence une forte augmentation de débit sur un tronçon s’étendant de l’amont du pont jusqu’au virage du cours d’eau vers le nord-ouest (Figure ci-dessous). La campagne de septembre a même révélé que le débit du cours d’eau est multiplié par deux.
Cette augmentation de débit s’explique en partie par la contribution de la résurgence principale, connue, qui arrive en rive gauche. Toutefois, la contribution de cette source, seule, ne permet pas d’expliquer la totalité de l’augmentation du débit. D’autres petites arrivées sont également visibles, surtout en basses eaux, dans le lit du cours d’eau, en rive gauche, mais l’extension du secteur d’apport de nappe reste difficile à circonscrire sur le terrain.
Ce secteur apparait donc intéressant pour tester l’approche thermique
Résultat
Condat-sur-Vézère
Contexte
La campagne de jaugeages en série réalisée en septembre 2022 avait révélé un tronçon de 2 km avec un gain de débit significatif. Sur le terrain, aucune source majeure n’est connue. Aussi, l’approche thermique est testée sur un secteur où peu d’information est disponible.
Résultat
28 Février 2023 - Le cours d’eau de la Vézère était à une température de 5°C. Le survol par le drone a montré que cette température restait homogène sur l’ensemble du tronçon. La hauteur d’eau plus importante sur ce tronçon peut masquer les arrivées d’eau plus chaudes. Seul un secteur a montré l’arrivée concentrée d’une eau plus chaude à 13,8 °C (figure ci-dessous). Cette arrivée correspond à une source référencée en BSS.
Retour d’expérience
Les tests réalisés ont montré les limites d’acquisition de l’imagerie thermique qui est contrainte par les conditions météorologiques et hydrologiques. Le choix du matériel est bien entendu primordial car de la qualité du capteur dépend le rendu d’imagerie. Dans le cas de l’acquisition, sur les deux secteurs, le capteur n’a pas permis en post-traitement d’obtenir une image homogène sur l’ensemble du linéaire ; l’acquisition est en effet réalisée par images successives sur lesquelles les températures sont calées en relatif et non en absolu ce qui ne permet pas ensuite de superposer les images thermiques les unes sur les autres pour avoir un rendu général cohérent. Des capteurs, plus chers, sont nécessaires pour passer à cette étape de rendu.
La facilité de déploiement du matériel et la vitesse d’acquisition restent cependant des atouts majeurs. L’utilisation de capteur thermique permet d’apporter de l’information rapidement sur un long linéaire de cours d’eau et d’identifier les arrivées d’eau importantes ; celles qui restent cependant concentrées et non diffuses. La connaissance de ces arrivées et de leurs impacts sur le débit permet de mieux cadrer par la suite les campagnes de jaugeages (appui aux sections à jauger) et les campagnes de mesures hydrochimiques (localisation des analyses in situ et prélèvements) pour assurer la représentativité des eaux analysées.
Lien vers reportage France 3
Cette acquisition a fait l’objet d’un petit reportage dans le programme « Enquêtes de région » pour France 3 Centre Val-de de Loire concernant « la guerre de l’eau ».
Le reportage est visible dans le replay à partir de 44 min et 30 sec.
https://www.france.tv/france-3/centre-val-de-loire/enquetes-de-region-centre-val-de-loire/4864162-la-guerre-de-l-eau.html
Bibliographie
Chapuis H., Pascoletti Y., Paran F., Graillot D. et Cadilhac L. (2021). Caractérisation des échanges entre eaux superficielles (rivière) et eaux souterraines en domaine karstique : Exemple d’un affluent du Rhône, la Cèze (30).
Faux RN., Lachowski H., Maus P., Torgersen CE. et Boyd MS. (2001). New approaches for monitoring stream temperature : Airborne thermal infrared remote sensing. Project Report : Integration of Remote Sensing : 29.
Handcock R., Torgersen C., Cherkauer K., Gillespie A., Tockner K., Faux RN. et Tan J. (2012). Thermal infrared remote sensing of water temperature in riverine landscapes. Fluvial Remote Sensing for Science and Management, 85-113.
Marteau B., Ré-Bahuaud J. et Wawrzyniak V. (2020). Identification des apports du karst par thermographie infra-rouge aéroportée : Campagnes de mesures de 2013 sur la Cèze. KARSTOLOGIA, 75, pp.25 à 32.
Ré-Bahuaud J. (2015). Caractérisation des échanges entre Karst / Rivière : La Cèze au niveau du plateau karstique de Méjannes-le-clap—Focus sur les contrastes thermiques et chimiques entre ESO et ESU. Présentation 27/11/2015 au séminaire NAPROM Interactions nappes /rivières : des outils pour comprendre et mesurer les échanges.
Wawrzyniak V. (2012). Étude multi-échelle de la température de surface des cours d’eau par imagerie infrarouge thermique : exemples dans le bassin du Rhône, Université Jean Moulin, Lyon 3