Grotte de Lascaux

Les processus de transfert d’eau et de dioxyde de carbone dans l’épikarst

Aide à la conservation des grottes ornées par le développement de nouvelles méthodologies pour l’étude de l’environnement des cavités. Application à la grotte de Lascaux

Thèse Benjamin Lopez, 2009

Il est communément admis que la recharge des aquifères   carbonatés est contrôlée par la zone non saturée, siège d’une mise à l’équilibre des phases liquides, solides et gazeuses. L’épikarst, zone superficielle de ces aquifères  , recueille les pluies efficaces et les transfère en profondeur via une double porosité   de fissure et de fracture. Des épandages détritiques   sablo-argileux fossilisent souvent les paléo-reliefs, changeant ainsi les caractéristiques des zones d’infiltration. Toutefois, les données sur ces dépôts superficiels sont rares, et leur impact sur les modalités de recharge en contexte karstique   est aujourd’hui mal connu et peu décrit.La célèbre grotte préhistorique ornée de Lascaux offre une fenêtre d’observation à l’intérieur de l’épikarst et constitue ainsi un site privilégié pour le suivi des processus de transferts. La grotte fait partie d’un réseau karstique   fossile partiellement comblé par du matériel détritique   sablo-argileux. Les parties basses de la cavité montrent des fortes teneurs en CO2 dans l’air, supérieures à 8% (80 000 ppmv) lors de certaines périodes estivales. Cette thèse propose une étude des caractéristiques de l’infiltration en milieu karstique   grâce au suivi des variations chimiques et isotopiques d’une émergence épikarstique au plafond de l’entrée de la grotte. Les principaux objectifs sont la compréhension de la dynamique des fluides en transit dans l’épikarst, la recherche de la source des fortes teneurs en CO2 ainsi que la détermination du rôle des épandages détritiques   dans les modalités de recharge de l’aquifère   karstique  .Après avoir mener une étude approfondie de l’environnement géologique et géomorphologique du site, l’analyse hydroclimatique, combinée au suivi bimensuel de la chimie et des variations isotopiques des eaux épikarstiques, a permis d’investiguer le fonctionnement de la zone d’infiltration du karst   d’un point de vue des transferts de masse.Les premières observations montrent que l’émergence épikarstique n’est pas pérenne avec un tarissement qui débute au début de l’été. Le système nécessite environ 250 mm de recharge automnale pour se réactiver. Le signal 18O à l’émergence est fortement amorti comparé au signal 18O dans les pluies ce qui démontre la création d’une réserve épikarstique qui conduit à l’homogénéisation chimique des eaux. Ainsi, les transferts de masse sont lents dans ce système caractérisé par un comportement de type fissuré et non karstique  . Les données de 13C collectées à l’émergence permettent de retracer les conditions physico-chimiques qu’ont rencontrées les eaux au cours de leur transit. Elles montrent différentes origines possible de l’infiltration et révèlent des phénomènes de dégazage – précipitation lors des périodes de fortes pluies.De plus, les eaux épikarstiques sont fortement sursaturées vis-à-vis de la calcite et leur forte minéralisation résulte de la mise à l’équilibre avec une pCO2 importante (5% en moyenne). De telles valeurs ne correspondent pas à la production de CO2 du sol. L’autre origine supposée est les épandages détritiques   sablo-argileux où des teneurs importantes en CO2 ont été mesurées (pCO2air de 4 à 8%). De plus, la présence d’eau dans ces niveaux suggère que le système est en partie alimenté par ces formations. Ainsi, le transit des eaux au travers de milieux aux conditions physico-chimiques très contrastés pourrait être à l’origine de la sursaturation des eaux qui entrent dans la cavité.Enfin, l’étude montre que les épandages détritiques   tiennent deux rôles majeurs dans les processus d’infiltration des eaux : (i) ils participent à leur homogénéisation en les stockant proche du sol et (ii) ils fournissent un fort potentiel de karstification au système.

La dynamique du carbone inorganique dans le continuum sol-épikarst-cavité du site de la Grotte de Lascaux (Dordogne, France) : apports des monitorings hydrogéochimique et microclimatique continus pour l’étude de l’aérologie et le développement d’une méthode de simulation des processus calco-carboniques aux parois. Thèse Nicolas Houillon, 2017

Depuis son invention en 1940 mais surtout consécutivement à sa fermeture au public en 1963, la conservation de la Grotte de Lascaux se base entre autres sur la compréhension de ses interactions avec le massif karstique   environnant et notamment les processus siégeant dans l’épikarst et la zone de transmission superficielle. C’est pourquoi ces travaux de thèse se sont attachés à comprendre la dynamique du CO2 dans le continuum solépikarst-cavité afin d’en évaluer les potentiels impacts sur la conservation des parois. Nous bénéficions à Lascaux
d’une fenêtre d’observation sur les écoulements provenant de l’épikarst sus-jacent dans le SAS 1 de la cavité, mais aussi d’une instrumentation conséquente. Elle permet l’acquisition de nombreuses séries de données temporelles des paramètres microclimatiques ainsi que des teneurs en CO2 de l’air en différents points de la cavité ou encore du débit de l’émergence épikarstique depuis le début des années 2000.

Une première partie de l’étude est consacrée à la caractérisation de la dynamique du CO2 dans le contexte d’un épikarst sous couverture pédologique. A cette fin, une parcelle expérimentale est instrumentée afin d’effectuer un suivi des paramètres hydroclimatiques et des teneurs en CO2 à différentes profondeurs. Des périodes de recharge (accumulation) et de vidange (émanations vers l’atmosphère) du CO2 de l’épikarst superficiel sont démontrées tout
comme la constitution d’un stock de CO2 peu variable dans l’épikarst subsuperficiel. La compréhension de ces différents mécanismes aboutit à un schéma général de la dynamique du CO2 dans l’épikarst.

Cette dynamique est étudiée dans la Grotte de Lascaux au cours d’une seconde partie à partir des séries temporelles des paramètres microclimatiques et des teneurs en CO2, mais aussi du signal isotopique en 13C. Il est alors démontré que les flux de CO2 entrant dans la cavité proviennent de trois origines distinctes : l’atmosphère (entrée), l’épikarst superficiel (Galerie Mondmilch et Salles Ensablées) et le massif (éboulis du Puits du Sorcier).
Parallèlement, deux régimes aérologiques responsables de la répartition spatio-temporelle des teneurs en CO2 dans
la cavité sont observés : stratification et thermoconvections. Ils sont les principaux responsables de la dynamique
du CO2 dans la Grotte de Lascaux du fait des faibles échanges entre cette dernière et l’atmosphère comparativement
à d’autres cavités karstiques   de la région. Enfin, l’impact du dispositif du pompage de l’air sur l’aérologie et la dynamique du CO2 dans la Grotte de Lascaux est évalué. La comparaison de ces dynamiques avec et sans extraction de l’air de la cavité conduit à la création de schémas conceptuels de la dynamique du CO2 dans la Grotte
Lascaux.

L’étude des conditions d’écoulement dans l’épikarst de la Grotte de Lascaux, troisième partie de ces travaux, a été effectuée à partir d’un suivi en continu des débits, paramètres physico-chimiques et de la fluorescence naturelle de l’eau. L’analyse des séries temporelles de ces traceurs naturels conduit caractériser de façon détaillée les conditions d’écoulement et notamment l’importance de la teneur en eau de l’épikarst sur la taille zone d’alimentation et les types d’eau arrivant à l’exutoire. Parallèlement, l’impact de ces conditions d’écoulement
sur les équilibres calco-carboniques des eaux arrivant dans la cavité est analysé.

Enfin, les connaissances acquises sont appliquées pour déterminer l’impact potentiel en continu des eaux (condensation et exfiltration) présentes aux parois ornées de la cavité. A cette fin, une méthodologie d’estimation de la masse de calcite potentiellement précipitée par les eaux d’exfiltration et dissoute par les eaux de condensation basée sur des simulations hydrogéochimiques est développée. Son application à la paroi gauche de la Salle de la
Taureaux en contextes de pompage et naturel conduit à l’évaluation de l’impact potentiel du pompage mais aussi de l’aérologie de la cavité sur la conservation des parois.

Etude de l’infiltration et de ses variations interannuelles en contexte épikarstique pour la caractérisation du fonctionnement des hydrosystèmes karstiques   : utilisation de la méthode ISc-Pco2 et des modèles réservoirs. Thèse Sébastien Minvielle, 2015

L’infiltration correspond à l’ensemble des écoulements contribuant à la recharge des réserves des systèmes karstiques   ou aux variations des débits à leurs exutoires. L’objectif de cette thèse est la caractérisation de l’infiltration et son utilisation dans l’étude des transferts pour la compréhension du fonctionnement des systèmes karstiques  .

Deux sites sont utilisés pour analyser cette infiltration : celui de la colline de Lascaux en Dordogne et celui du Nord du Vaucluse en Provence composé de plusieurs sources karstiques  . Ces sites, en milieu carbonaté, se différencient tant par leur structuration – système épikarstique et aquifère   karstique   perché, pour le premier, et systèmes épikarstique, fissuré ou karstiques   à zone noyée, pour le second – que par les conditions climatiques rencontrées au niveau de leurs impluviums respectifs.

L’étude hydrodynamique des systèmes épikarstiques par les modèles réservoirs ne convient actuellement pas : la fonction de production ne permet pas la génération d’une infiltration satisfaisante. L’utilisation d’un modèle réservoir, initialement basé sur les équations de Coutagne, a permis de souligner la nécessité d’ajouter deux modules de calcul. Le premier concerne l’estimation d’une évapotranspiration effective, issue d’une loi   exponentielle, considérant la hauteur d’eau dans le réservoir sol. Le deuxième module insiste sur l’utilité d’une fonction de stockage de l’épikarst pour caractériser au mieux les transferts vers l’aval du système.

L’étude hydrochimique s’appuie majoritairement sur les équilibres calco-carboniques de l’eau et donc sur les transferts de masses de carbone inorganique. Ils permettent d’accéder à différentes grandeurs telles que la pression partielle de dioxyde de carbone – équilibrante (Pco2_eq) ou à saturation (Pco2_sat) – et à l’indice de saturation vis-à-vis de la calcite (ISc). La mise en relation de ces deux paramètres au sein d’un graphique –log(Pco2) : ISc a permis de distinguer différents types d’eaux issus des différents compartiments du karst  . Il en a résulté un schéma de transfert des différents types d’eaux passant à l’exutoire tenant compte de l’état d’ennoiement du système. L’évolution pluriannuelle de l’infiltration a aussi été mise en avant par la variation de sa composition chimique pouvant être en relation avec des facteurs
climatiques.

A l’issue de ce travail, il apparaît que la connaissance des processus liés à l’infiltration est fondamentale pour la compréhension des écoulements en milieux karstiques   dans un objectif de quantification de la recharge et de protection de la ressource.

Lien vers la thèse B.Lopez
Lien vers la thèse N.Houillon
Lien vers la thèse S.Minvielle

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3- Karsts jurassiques et crétacés de la bordure nord-est du bassin sédimentaire (à l’affleurement et sous couverture)