Réponse d’un système aquifère multicouche aux variations paléoclimatiques et aux sollicitations anthropiques [O. Douez, 2007]

Approche par modélisation couplée hydrodynamique, thermique et géochimique



Résumé, Introduction et Conclusion de la THESE réalisée à l’Institut EGID - Université Michel de Montaigne - Bordeaux III

de DOUEZ Olivier (2007) - BRGM Poitou-Charentes - 5, rue de la Goélette 86280 Saint-Benoit - o.douez brgm.fr

Mots clé

Hydrogéologie – Thermique – Géochimie – Isotopie – Modélisation – Paléo-hydrogéologie – Bassin   Sud-Aquitain

Intérêts

  • synthèse des connaissances géologiques, hydrogéologiques, géothermiques du sud du Bassin   Aquitain (+ localisation des différents prélèvements),
  • reconstitution du paléoclimat du Bassin   Aquitain (périodes potentielles de recharge du système aquifère  ) sur les 40 000 dernières années,
  • modélisation 3 D couplée hydrodynamique-thermique du sud du Bassin   Aquitain (modèle à 11 couches), en prenant en compte les prélèvements et stockages de gaz d’Izaute et Lussagnet.

Sommaire de l’article

Résumé

L’étude des paramètres hydrodynamiques et de la charge piézométrique   des aquifères   ne suffit pas pour appréhender le fonctionnement hydrogéologique des grands bassins sédimentaires. Il est nécessaire de tenir compte de l’ensemble des couches et de leurs comportements hydrogéologiques sur le long terme. Ces systèmes sont en effet trop souvent analysés sur le court terme avec l’hypothèse que le régime hydrodynamique était stabilisé avant l’exploitation humaine. C’est donc sous une vision nouvelle que la compréhension de l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques, et plus globalement du système multicouche sud-aquitain, est abordée avec comme objectif son intégration dans un modèle hydrodynamique.

L’interprétation des données isotopiques et géochimiques a montré que seuls des transferts verticaux en complément ou non à un écoulement horizontal étaient à même d’expliquer les résultats des analyses et a permis d’exposer l’idée d’une phase de recharge importante à la fin du Pléistocène. La reconstitution du paléoclimat local a été entreprise afin de proposer un scénario des périodes potentielles de recharge du système aquifère   sud-aquitain sur les 40 000 dernières années. L’ensemble de ces résultats a révélé l’instabilité des conditions d’alimentation de ce multicouche et donc son état transitoire.

Une analyse majeure des caractéristiques géologiques, hydrogéologiques et géothermiques a été engagée et les données mises en cohérence afin de proposer un modèle couplé hydrodynamique et thermique 3D permettant d’étudier l’évolution récente mais également de longue durée. Comportant onze couches, l’extension du modèle est d’environ 32 000 km2. L’ajustement dans le modèle des données de température a été réalisé. Le calage en transitoire court d’exploitation avec les prélèvements et l’activité de deux stockages de gaz a été effectué. La simulation des variations eustatiques sur les derniers 100 000 ans a montré la faible influence de celles-ci sur la nappe   des Sables Infra-Molassiques. La simulation des variations de recharge liées aux fluctuations paléoclimatiques sur 40 000 ans, objectif final de ce travail, a été exécutée et a permis d’établir trois principaux axes d’écoulement en cohérence avec les contraintes géochimiques. L’importance des transferts verticaux et horizontaux a pu être approchée à l’aide de bilans de flux. Enfin, la baisse piézométrique   actuellement observée serait la conséquence des prélèvements de ces trente dernières années et, dans une moindre mesure, de la vidange naturelle du système amorcé il y a 150 ans, suite à une recharge importante au cours du Petit Âge Glaciaire.

Ce travail a mis en exergue l’existence d’échanges entre les différentes couches (aquifères   et formations peu perméables), la recharge par drainance verticale importante dans certains secteurs ainsi que le régime transitoire sur plusieurs centaines voire milliers d’années avec un caractère continu. Au final, la compréhension de ce type de multicouche d’extension régionale nécessite de se détacher de la vision commune d’un fonctionnement qui n’aurait débuté qu’avec l’exploitation anthropique sur un système hydrodynamiquement stabilisé.

Introduction

Les eaux souterraines représentent aujourd’hui un véritable enjeu dans le cadre affirmé d’un développement durable. Les aquifères   profonds des grands bassins sédimentaires constituent une ressource potentielle considérable tout en étant quasiment insensibles aux phénomènes de surface comme les pollutions et les variations climatiques saisonnières.
La compréhension du fonctionnement global des grands systèmes aquifères   multicouches (Bassin   Parisien, Bassin   Aquitain, . . .) est indispensable pour répondre aux différentes préoccupations actuelles et futures de notre société quant à la ressource en eau : production d’eau potable, eau hydrothermale et géothermale, réservoir potentiel de stockage souterrain de gaz. . .

De tels systèmes sont suivis depuis plusieurs décennies par le biais de chroniques piézométriques, mais ces dernières sont de plus en plus influencées par l’exploitation des nappes   souterraines par les forages. Ces mesures piézométriques actuelles ne reflètent donc plus une image du régime hydrodynamique naturel à long terme des aquifères  . Par ailleurs, il est généralement admis que l’histoire transitoire de ces aquifères   a débuté avec les sollicitations anthropiques, et que préalablement ces systèmes se trouvaient dans un état de régime hydrodynamique permanent ou stabilisé. Pourtant, l’analyse isotopique des eaux profondes indique une origine très ancienne (eaux fossiles), ce qui semble mettre en évidence une importante inertie des systèmes aquifères   multicouches pouvant atteindre plusieurs centaines voire milliers d’années (exemples : Bassin   Parisien [JOST (2005)], système aquifère   nubien au nord-est de l’Afrique [THORWEIHE et HEINL (2002)]). Devant ce constat, la question du mode de renouvellement s’impose : est-il continu dans le temps ou discontinu sous forme de périodes de recharge au cours de phases climatiques plus propices ? Recharge continue ou discontinue ? Cerner le mode de fonctionnement est d’importance stratégique à l’heure du changement climatique.
La vision actuelle des écoulements induite par l’exploitation humaine et une vision historique fonction des contraintes de forçage paléoclimatique et décrite par la géochimie isotopique sont complémentaires afin d’appréhender le fonctionnement global des systèmes aquifères   profonds. Ce travail de recherche tentera de concilier les deux visions afin de comprendre le fonctionnement hydrodynamique global d’un grand système aquifère   profond en s’appuyant sur un cadre géologique très détaillé et une démarche de modélisation rigoureuse.

Le contexte scientifique et la problématique

La moitié sud du Bassin   Aquitain semble un terrain idéal pour analyser le fonctionnement d’un système aquifère   multicouche (figure 1). Couvrant une superficie d’environ 50 000 kilomètres carrés, les nappes   profondes du Bassin   Sud-Aquitain constituent une ressource stratégique économique et sociétale majeure du fait du faible développement des nappes   superficielles. De plusieurs milliards de mètres cubes d’eau, cette réserve est dans l’ensemble de bonne qualité pour l’alimentation en eau potable  .

Figure 1 : Extension de la zone d'étudeFigure 1 : Extension de la zone d’étude

La géologie et la géométrie de l’Aquitaine occidentale sont assez bien détaillées du fait des recherches pétrolières entreprises dès le milieu des années 1940, investigation qui se poursuit de nos jours en particulier pour les stockages de gaz.

Ainsi, se trouve-t-on relativement bien renseigné grâce à l’outil géophysique et aux forages de recherche de la géologie profonde de l’ensemble sud-aquitain et de ses aspects structuraux et sédimentaires.
En raison de la géomorphologie complexe souterraine liée aux divers accidents structuraux, les aquifères   profonds remontent le long de structures au droit desquelles le thermalisme est bien développé. La géométrie des couches et les particularités hydrodynamiques des terrains se prêtent également aux stockages de gaz. Deux stockages de gaz naturel (Lussagnet et Izaute) sont ainsi développés dans l’aquifère   des sables éocènes appelés communément Sables Infra-Molassiques et sont exploités par la société Total Infrastructure Gaz France (TIGF). C’est sur cet aquifère  , représentant la plus grosse réserve en eau, la moins profonde et de bonne qualité du sud de l’Aquitaine, que porte cette étude ; nappe   dont le niveau piézométrique   n’a cessé de baisser depuis les premières mesures réalisées dans les années 1970. Le niveau piézométrique   dans certains ouvrages a ainsi chuté de plus de 20 mètres au cours des 20 dernières années. Cette baisse est également visible sur les nappes   sous-jacentes du Paléocène et du Crétacé supérieur.

Les rôles respectifs du régime naturel et de la pression anthropique (stockage de gaz et prélèvements) sur cette baisse observée n’ont jamais été définis. La problématique de la recharge se pose alors, d’autant plus lorsque l’on regarde la faible surface des affleurements   et les données des paramètres isotopiques qui montrent des eaux anciennes (plusieurs milliers d’années). D’autres questions restent également en suspens concernant les écoulements internes au système sur :

  • les directions des écoulements au sein de ce réservoir et ce sur l’ensemble de l’extension de cet aquifère   dans le Sud-Aquitain,
  • les échanges entre cet aquifère   et ceux sous-jacents et leurs sens d’écoulement,
  • le rôle des épontes sur les échanges entre aquifères   mais également sur la recharge de ce réservoir des Sables Infra-Molassiques.

Telles sont notamment les questions qui nous ont poussés à tenter de comprendre le comportement hydrodynamique global de cet ensemble multicouche du Sud-Aquitain (aquifères   et aquitards).

Des objectifs

Après avoir défini le fonctionnement conceptuel du système aquifère   multicouche sud-aquitain, dans sa globalité, sur le court et le long termes, le but est d’intégrer ce modèle théorique dans un outil de modélisation numérique afin de vérifier l’évolution temporelle des écoulement souterrains. Le modèle numérique se doit d’être le plus réaliste possible, c’est pourquoi il doit intégrer l’ensemble des couches permettant de simuler le comportement de la nappe   des Sables Infra-Molassiques, c’est-à-dire les aquifères   mais également les aquitards. Outre l’aspect purement hydrodynamique, habituellement le seul à être simulé, le modèle, pour s’approcher de la réalité, tiendra compte des conditions thermiques qui règnent en profondeur et sera en partie contraint par les résultats des données isotopiques et géochimiques.

Une démarche

Les trois parties composant ce mémoire retracent la démarche entreprise pour atteindre les objectifs. Dans un premier temps, l’analyse du contexte géologique et hydrogéologique local, nécessaire pour appréhender la complexité du multicouche sud-aquitain est proposée.
Les grands traits géologiques et structuraux sont abordés afin d’esquisser les contours des aquifères   localisés dans ce système multicouche. Les zones structurales d’intérêt sont précisément exposées. Les formations aquifères   sont ensuite détaillées ; l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques, objet principal de cette étude, l’est plus particulièrement. L’extension de ces réservoirs, leur géométrie, leurs conditions de gisement ainsi que la géochimie des eaux sont présentées.
L’exploitation de ces nappes  , notamment pour la ressource en eau thermale et pour le stockage de gaz, et les conséquences qui leurs sont liées sont énoncées. Enfin, l’évolution piézométrique   des derniers trente ans est exposée.

Le deuxième chapitre s’attache à établir un fonctionnement global conceptuel et à long terme du système aquifère   multicouche sud-aquitain.
Cette analyse s’est tout d’abord portée sur les paramètres géochimiques et isotopiques. Ces traceurs fournissent en effet des informations précieuses sur l’écoulement des nappes  , les aires d’alimentation, les échanges entre nappes   … L’âge des eaux par le biais du 14C, les teneurs en 18O et 2H et en gaz rares ont ainsi été étudiés. Ces données ont permis de définir une phase de recharge majeure au cours de la fin de la période quaternaire (plus particulièrement autour du Dernier Maximum Glaciaire) et de montrer l’aspect transitoire de la recharge de l’aquifère  .

Ceci a mis en évidence qu’il n’était pas possible d’évoquer un fonctionnement durable sans un essai de reconstitution paléo-hydrogéologique de la nappe   profonde depuis la fin du Pléistocène, période qui avait vu s’opérer de grands changements climatiques. Notre recherche s’est alors dirigée sur les conditions paléoclimatiques à même d’expliquer cette recharge importante, et par la suite vers la définition de créneaux potentiels de recharge en fonction du temps. Une reconstitution chronologique des variations paléoclimatiques du Sud-Ouest de la France est ainsi proposée à partir de l’étude bibliographique de divers documents relatifs au Quaternaire.

Ce travail a permis de constater, notamment et selon toute vraisemblance, la présence d’un pergélisol au cours de la période la plus froide (Dernier Maximum Glaciaire). Selon nos hypothèses et en accord avec diverses études sur le pergélisol, la fonte de celui-ci aurait pu occasionner une alimentation accrue des aquifères   profonds. La profondeur atteinte par cet hypothétique pergélisol dans le Sud-Aquitain a dès lors été recherchée.
Dans le but de vérifier l’aspect transitoire du fonctionnement des nappes   profondes selon les forçages paléoclimatiques, la recherche de traces susceptibles d’avoir été laissées par des paléo-émergences à différentes altitudes a été réalisée et les résultats exposés.

A partir de la synthèse de ces données, un modèle conceptuel de l’évolution de la surface piézométrique   à long terme est proposé.
Le dernier chapitre est consacré à la modélisation numérique hydrodynamique des écoulements souterrains, à court et long termes, du système aquifère   multicouche sud-aquitain.

Après avoir défini le modèle hydrogéologique conceptuel retenu pour la modélisation, les conditions thermiques régnant au sein du système multicouche sont abordées. La prise en compte de ces conditions dans le modèle est en effet indispensable pour respecter au mieux les conditions de gisement au sein des aquifères  . L’étude de ces paramètres thermiques a permis de reconstituer une carte du gradient   géothermique et de proposer de nouvelles esquisses piézométriques qui tiennent compte des conditions thermiques. Les hypothèses que l’on peut en déduire sont discutées.

La démarche pour parvenir au modèle final d’évolution à long terme en fonction des conditions paléoclimatiques se décompose de la façon suivante :

  • un premier modèle en régime « pseudo-permanent » a été réalisé afin de calibrer les données thermiques et de constater les écoulements et échanges entre les aquifères   ;
  • le système a ensuite été analysé sous l’aspect d’un transitoire court avec la prise en compte des prélèvements et des stockages ;
  • avant d’aborder le modèle d’évolution paléoclimatique, un modèle de l’évolution eustatique a été effectué afin de constater ou non un éventuel impact des variations océaniques à long terme sur la nappe   des Sables Infra-Molassiques ;
  • enfin, le modèle d’évolution à long terme en fonction des conditions paléoclimatiques a été réalisé sur l’ensemble du système aquifère   multicouche sud-aquitain, objectif ultime de ce travail.

En conclusion, nous nous proposons de revenir sur la démarche adoptée et sur les améliorations qui pourraient être apportées pour la poursuite de ce projet. Les différents résultats présentés sont également confrontés avec ceux issus d’études (données de l’isotopie et de la géochimie) sur ce multicouche aquitain mais également avec ceux d’autres grands aquifères   de bassins sédimentaires.

Finalement, une vision sensiblement plus complexe du fonctionnement de ces grands aquifères   multicouches profonds de bassins sédimentaires que celles admises jusqu’ici est suggérée.

Conclusion

Dans le but d’appréhender le comportement hydrogéologique global d’un système aquifère   multicouche, l’élaboration d’un outil de modélisation permettant de simuler le fonctionnement sur une très longue durée constitue l’aboutissement d’un processus de synthèse et d’analyse des paramètres géologiques, hydrogéologiques, géochimiques et paléoclimatiques.

Une analyse complète pour une compréhension du fonctionnement du système aquifère   multicouche du Sud-Aquitain …


. . . basée sur une étude des données existantes . . .
Ainsi, la compréhension du fonctionnement du système aquifère   multicouche du Sud de l’Aquitaine, et plus particulièrement des Sables Infra-Molassiques, s’est appuyée sur une révision détaillée des conditions géologiques de mise en place des dépôts sédimentaires et des aspects structuraux pour décrire ensuite les aquifères   de ce secteur en terme d’extension, de géométrie, de faciès   géologique, de paramètres hydrodynamiques, de géochimie des eaux, de prélèvements et d’évolution piézométrique   depuis les trente dernières années.

. . pour une proposition de fonctionnement conceptuel . . .
A partir de ce cadre s’est mise en place une analyse du fonctionnement global de ce système. Dans un premier temps, cet exercice s’est limité à la ré-interprétation de données isotopiques et de gaz rares en solution. L’étude des âges des eaux (teneurs en radiocarbone) et de la chimie des eaux (minéralisation) a montré que seuls des transferts verticaux pouvaient être à même d’expliquer ces observations ; soit par transfert au droit des zones de contact direct entre aquifères  , soit par des phénomènes de drainance verticale au travers les épontes.
La distribution des âges des eaux de la nappe   des Sables Infra-Molassiques a mis en évidence une augmentation des fréquences de valeurs autour du Dernier Maximum Glaciaire soit entre 15 000 ans B.P. et 35 000 ans B.P.. Les analyses effectuées sur les aquifères   profonds du sud de l’Aquitaine (tous confondus) montrent également une majorité d’échantillons datée de la fin du Pléistocène et du début et du milieu de l’Holocène.
Les données de paléo-températures, issues des gaz rares en solution et des teneurs en 18O et 2H avaient déjà permis de confirmer une température d’infiltration dans la zone saturée du sol bien inférieure à la température moyenne actuelle.
L’ensemble de ces données autoriserait à penser qu’une phase importante de recharge a pu se dérouler durant le stade terminal du Pléistocène.
Le choix de construire un scénario d’évolution paléoclimatique local s’est dès lors imposé. Les périodes sur lesquelles notre intérêt s’est porté sont celles de l’Holocène et de la fin du Pléistocène (qui ont vu des variations rapides du climat et la dernière phase de grand froid lors du Dernier Maximum Glaciaire avec un niveau des océans inférieur à 120 mètres par rapport au niveau actuel). L’alternance rapide de phases plus ou moins rigoureuses et humides, et donc de conditions très différentes de celles que l’on connaît actuellement, a dû contribuer à l’alimentation intense et massive des aquifères  .
Notre étude a permis de constater la présence régionale potentielle d’un pergélisol au cours du Dernier Maximum Glaciaire, la fonte de celui-ci étant susceptible d’expliquer en partie l’intense phase de recharge.
L’étude hydrogéomorphologique de quelques bassins versants, dont la mise en place s’est faite au quaternaire sous les contraintes climatiques, a montré un climat moyen plus humide que l’actuel et vraisemblablement comparable à celui du sud du Canada et de la Scandinavie actuel lors de la formation du réseau de drainage.
La confrontation de l’ensemble des données paléoclimatiques et des données de recharge sur d’autres grands systèmes aquifères   européens (Bassin   Parisien, Plaine du Pô en Italie, sud de l’Allemagne . . . ) nous a permis de proposer un scénario des périodes potentielles d’alimentation de la nappe   des Sables Infra-Molassiques et plus généralement du système aquifère   sud-aquitain.
Ainsi, deux grandes phases de recharge ont été déterminées : avant et après le Dernier Maximum Glaciaire, cette dernière période étant considérée comme une phase intense de vidange du fait d’un climat plus sec et de la présence potentielle d’un pergélisol inhibant la recharge. Au cours de l’Holocène, une alternance de fluctuations climatiques rapides a pu permettre la recharge, toutefois sans commune mesure avec celles situées autour du Dernier Maximum Glaciaire. Quant à la dernière phase de recharge importante, elle a eu lieu au cours du Petit Age Glaciaire (années 1550-1850).
L’ensemble de ces résultats a mis en évidence la non stabilité des conditions de recharge des aquifères   profonds d’extension régionale du sud de l’Aquitaine.
Pour vérifier et apporter une argumentation à cette hypothèse, nous avons recherché des indices susceptibles de montrer l’existence de niveaux plus élevés de la hauteur piézométrique   de la nappe   des Sables Infra-Molassiques. Deux éléments de formations ont retenu notre attention : les grès de Coudures (accrétion de grains de quartz par une matrice majoritairement siliceuse secondaire) et des géodes siliceuses d’origine probablement hydrothermale, tous deux localisés dans l’environnement immédiat de la structure d’Audignon.
Les échantillons ont été récoltés à différentes altitudes, à proximité et à des niveaux plus hauts que les émergences actuelles drainant la nappe   des Sables Infra-Molassiques par le biais de couches relais ; leurs formations correspondant à notre avis à des phénomènes de silicification intense au droit ou à proximité d’anciennes émergences durant la fin du Quaternaire. La datation a conforté notre vision car des âges holocènes pour les ciments calcitiques des grès de Coudures et du milieu du Pléistocène supérieur pour la géode récoltée ont été reconnus.
Ces formations, prélevées à des altitudes supérieures aux sources actuelles, seraient donc des manifestations de paléo-émergences montrant l’existence d’un régime transitoire de longue période qui affecte la nappe   des Sables Infra-Molassiques.

. . . et intégré dans un modèle hydrodynamique pour confronter les données . . .
Ce dernier volet est l’aboutissement des précédents grâce à la construction d’un modèle hydrodynamique du Bassin   Sud-Aquitain. L’ensemble des données précédentes a montré la nécessité de traiter le système multicouche sud-aquitain selon une vision en trois dimensions, en tenant compte des transferts horizontaux et verticaux entre les différentes couches. Le modèle que nous avons établi intègre l’ensemble des couches (aquifères   et aquitards) défini dans le modèle géologique conceptuel. Il comporte onze couches et comprend les aquifères   des Sables Infra-Molassiques, du Paléocène et du Crétacé inférieur.

Méthodologie pour une calibration du modèle hydrodynamique . . .
Moins un système est contraint, plus le modèle que l’on cherche à en faire peut évoluer dans de multiples directions. Pourtant, la solution est unique pour le système réel alors que le modèle numérique peut souffrir d’un manque de contraintes pour évoluer vers la véritable solution. Ainsi, pour l’écoulement, différents paramètres sont à même de contraindre le modèle :

  • la géométrie des horizons aquifères   et aquitards,
  • la température régnant au sein du milieu en relation avec la géométrie souterraine (conditions de gisement),
  • la conductivité hydraulique induite par ces conditions de gisement,
  • la compressibilité du fluide (eau) ainsi que celle des matrices solides (toujours en fonction des conditions de gisement : z, p, θ).

Nous avons donc travaillé à l’élaboration d’un modèle le plus contraint possible en fonction des paramètres connus et de manière hiérarchisée.
Dans un premier temps, la recherche d’une représentation la plus fidèle possible de la géométrie souterraine des différentes couches, selon la connaissance actuelle, a été réalisée. Le modèle y gagne ainsi en représentativité et perd une importante possibilité d’évolution non contrôlée.
La température (θ) est le second paramètre que nous avons identifié pour contraindre le système. En effet, la température influence directement les paramètres thermodynamiques de l’eau (masse volumique, viscosité) et donc les propriétés de l’écoulement. Dans les aquifères   profonds, ces variations de température ne sont pas négligeables. Il nous est donc apparu essentiel de connaître précisément la température de gisement au sein des différents horizons afin d’imposer cette caractéristique sur les propriétés de l’écoulement.
Ainsi, suite à l’analyse détaillée des données de températures répertoriées sur la zone d’étude, une nouvelle carte du gradient   géothermique a été proposée et des cartes de température aux toits des principaux aquifères   conçues. A partir de ces nouvelles données, des esquisses piézométriques corrigées des effets de température ont été réalisées et argumentées. Les données de température ont ensuite été incorporées dans le modèle par simulation d’un gradient   géothermique. La transmissivité obtenue au final est fonction de la géométrie des différents horizons et de leur conductivité hydraulique en conditions de gisement.
Par rapport aux variables de l’écoulement, seul le coefficient d’emmagasinement   spécifique SS restait à contraindre. Pour ce faire, nous avons utilisé les variations induites par les cycles d’injection et de soutirage des stockages de gaz sur la hauteur piézométrique  , la propagation de l’onde de pression générée étant fonction du paramètre de diffusivité. Ainsi, nous avons pu définir le plus rigoureusement possible la diffusivité moyenne du système sur l’aire soumise aux fluctuations liées aux stockages. Ceci nous a permis d’optimiser les valeurs des paramètres hydrodynamiques K et SS pour au final aboutir à un système contraint.
En franchissant cette dernière étape, nous avons élaboré un outil répondant au mieux aux contraintes du multicouche étudié et ayant satisfait à une démarche rigoureuse de traitement, de hiérarchisation et de validation des données. Cette démarche s’est avérée être opérationnelle pour aborder la problématique de modélisation hydrodynamique d’un système hydrogéologique complexe, pour lequel la géométrie et les conditions de gisement influent directement sur l’état piézométrique   global de l’ensemble.
Par ailleurs, nous avons également utilisé les données de la géochimie et de l’isotopie pour contraindre et contrôler l’origine potentielle de l’eau et le mode de recharge qui a pu conduire à l’état actuel observé.

. . . en pratique
Pour la calibration des paramètres, nous avons préféré la technique par dichotomie plutôt que d’appliquer des méthodes stochastiques. Pour ne pas être influencé pour le calage, les cartes de perméabilités précédemment réalisées [BEICIP (1984)] n’ont pas été exploitées. Cette étape de calage a été effectuée à l’aide d’un modèle en régime pseudo-permanent et d’un modèle en régime transitoire court (quinzaine d’années).
Le modèle pseudo-permanent nous a permis de caler les températures au toit des couches et d’établir une ébauche de la distribution des paramètres de perméabilité  .
La calibration des valeurs de perméabilité   et du coefficient d’emmagasinement   a ensuite été affinée en régime transitoire avec la prise en compte du fonctionnement des stockages de gaz de TIGF. Les valeurs de perméabilité   établies dans le modèle transitoire court ont été réinjectées au fur et à mesure dans le modèle pseudo-permanent afin de les valider.
Le calage du paramètre de diffusivité a donc pu être réalisé à partir de la connaissance de quelques valeurs ponctuelles de perméabilité   et de coefficient d’emmagasinement   spécifique issues d’essais de pompage ainsi que des valeurs limites (K<10−3 m.s−1 et SS _ 10−6 m−1 sur l’aquifère   des Sables Infra molassiques).
La méthodologie retenue a donc finalement laissé peu de choix dans la gamme des valeurs de ces paramètres de calibration. Des tests de sensibilité, réalisés dans ce sens, ont montré la faible variance du facteur de diffusivité et également des paramètres K et SS.
Pour l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques, les valeurs de perméabilité   proposées dans le modèle sont en accord avec celles issues d’essais de pompage, de l’ordre de 10−4 m.s−1 à 10−6 m.s−1. Leur distribution montre un chenal de plus fortes valeurs orienté nord-sud entre les Pyrénées (entre Pau et Tarbes) et Barbotan comme celui définit par le BEICIP (1984).
Les valeurs proposées pour l’emmagasinement   spécifique sont en accord avec celles déterminées par le BEICIP (1984) et par LABAT (1998) entre Lectoure et Dému, c’est-à-dire de l’ordre de 10−6 m−1.

Le rôle des formations peu perméables sur le système aquifère   multicouche . . .
Le calage du modèle à l’aide des fluctuations des stockages a mis en avant le transfert rapide des variations de pression dans l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques ainsi que l’importance des formations aquitards, notamment de l’épaisse formation molassique, indispensable à un rendu convenable des oscillations liées au cycle d’injection et de soutirage des stockages. Le rôle primordial des couches aquitards dans les transferts de matière et de pression a été mis en évidence malgré des paramètres hydrodynamiques faibles.

. . .et l’importance de la prise en compte des conditions de température en profondeur
En régime pseudo-permanent, le bilan réalisé sur l’ensemble des couches du modèle indique qu’environ 1,57.108 m3.an−1 d’eau transitent dans le modèle alors que le même modèle sans prise en compte des conditions de température montre un bilan de l’ordre de 1,15.108 m3.an−1. Ainsi, l’augmentation en terme de volume annuel d’eau transitant dans le modèle serait de l’ordre de + 35% entre un modèle « froid » et un modèle « chaud ».

L’exploitation du modèle et les principaux résultats qui en découlent :

  • L’impact des stockages de gaz sur l’évolution piézométrique  
    L’exploitation du modèle nous a permis d’apporter quelques réponses intéressantes sur l’impact lié à l’exploitation humaine de ce multicouche et plus particulièrement sur l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques.
    Ainsi, les simulations montrent que les stockages de gaz permettent de soutenir un niveau piézométrique   haut, par l’onde de pression exercée par l’injection de gaz, dans la zone ouest et centrale, ou du moins plus haut qu’il ne le serait naturellement. La baisse piézométrique   observée actuellement serait le fait essentiellement des prélèvements qui se superposeraient à une vidange naturelle de l’ensemble des nappes   profondes du système.
  • L’influence de la remontée eustatique sur le système aquifère   des Sables Infra-Molassiques entre 20 000 ans B.P et l’actuel
    Le transfert de pression lié à la remontée eustatique à la fin du Pléistocène/début Holocène a été simulé afin de vérifier un possible impact sur la nappe   des Sables Infra-Molassiques. Cette simulation a montré une influence relativement faible de la remontée océanique au cours de cette période sur la surface piézométrique   de la nappe   des Sables Infra-Molassiques. Ce constat étant fait, nous n’avons pas intégré ce paramètre dans le modèle d’évolution paléoclimatique qui a suivi.
  • Le modèle transitoire long
    Un modèle final de restitution des variations de recharge en fonction des conditions climatiques a été réalisé puis analysé sur les derniers quarante mille ans. Cette simulation fait état du fonctionnement transitoire de l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques et par extension de l’ensemble multicouche sud-aquitain en réponse aux « forçages » paléo-climatiques externes de faible ou forte intensités avec une réponse rapide en terme de transfert de pression vis-à-vis de l’alternance des phases de recharge et de vidange qui en résultent (comme le laissaient présager les résultats sur le transfert de pression lié aux stockages de gaz). Les niveaux de charges hypothétiques maximales au cours de cette période auraient pu atteindre plus d’une quarantaine de mètres par rapport au niveau actuel suite à la recharge importante après le Dernier Maximum Glaciaire.
    La dernière phase de recharge au cours du Petit Age Glaciaire (1550 à 1850) et la vidange naturelle qui a suivi pour arriver au niveau actuel (sans prise en compte des prélèvements et des stockages de gaz) ont pu être constatées. C’est le résultat de cette dernière perturbation qui est encore visible sous la forme d’une baisse piézométrique   naturelle liée à la vidange des aquifères  .
    Dans une zone sud-ouest, la recharge de l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques proviendrait principalement des affleurements   nord-pyrénéens, un faible flux étant cependant issu de la molasse sus-jacente.
    Dans la zone sud-centre, l’alimentation des Sables Infra-Molassiques se fait notamment par le drainage de la nappe   paléocène, ce qui pourrait expliquer le faciès   différent par rapport au compartiment sud-ouest. Enfin, dans le secteur est, l’alimentation de la nappe   des Sables Infra-Molassiques se fait en grande partie par l’intermédiaire de l’éponte molassique sus-jacente.

Au final, les simulations sur ces modèles ont permis de vérifier :

  • l’importance de la recharge au droit ou à proximité des affleurements   (en particulier la recharge sous les aquifères   alluvionnaires en contact direct avec l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques le long du front nord pyrénéen dans la zone sud-ouest),
  • la recharge par le biais de la molasse dans la partie est,
  • la direction des flux entre les différents aquifères   dans la zone centrale,
  • le transfert de pression rapide dans l’ensemble du multicouche. La réponse en termes de variations de niveau piézométrique   en fonction des conditions de recharge ou même en fonction des impulsions engendrées par les stockages de gaz est en effet très rapide contrairement au transfert de masse qui montre une inertie de plusieurs milliers d’années.

Contribution et confrontation avec les résultats de la géochimie

La géochimie ne permet pas de déterminer réellement la direction des écoulements mais peut valider ou interdire certains de ces cheminements. ANDRE (2002) avait mis en exergue plusieurs caractéristiques de l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques par la modélisation géochimique.
L’existence de deux sous-bassins géochimiquement bien distincts (minéralisation et faciès  ) séparés par la flexure Celtaquitaine avait notamment été mise en évidence :

  • une zone « nord et est » moyennement minéralisée,
  • une zone sud peu minéralisée, elle-même compartimentée avec un secteur est montrant des processus d’accroissement de la composition chimique par apport d’espèces ou de solutions de sels d’évaporites et un secteur ouest où les échanges ioniques sont rares.

Le modèle hydrodynamique et l’utilisation de la technique du suivi de particules permettent de retrouver les deux compartiments nord et sud, ainsi que les deux secteurs dans cette dernière zone (figure 2), identifiés par l’étude géochimique. Ces résultats permettent de fournir une explication hydrodynamique concernant la différence de minéralisation et de faciès   des eaux des Sables Infra-Molassiques.

Figure 2 : Zones d'écoulement définies par le modèle hydrodynamiqueFigure 2 : Zones d’écoulement définies par le modèle hydrodynamique

Ainsi, les écoulements entre ces deux grandes zones sont pratiquement indépendants, hormis à l’ouest de l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques où une partie du flux du sud semble passer au nord. Cette séparation des écoulements permettrait aux deux compartiments de conserver des compositions géochimiques différentes.
Dans le compartiment « nord et est », l’axe principal d’écoulement, de direction est-ouest, est en accord avec les données géochimiques qui montrent un enrichissement progressif des eaux dans cette direction en terme de minéralisation.
Pour le compartiment « sud-est », les eaux proviennent principalement de l’aquifère   du Paléocène selon un sens d’écoulement est-ouest et atteignent l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques par le biais de la zone de contact direct entre ces deux réservoirs. La direction d’écoulement s’oriente alors vers le nord. Ce schéma hydrodynamique s’accorde avec les données de la géochimie.
Toujours dans cette zone sud, mais à l’ouest, les isotopes du soufre avaient conduit à proposer un écoulement dirigé vers le nord. Le modèle hydrodynamique montre quant à lui un écoulement principal sud-nord excepté dans le secteur le plus septentrional où une partie des eaux est drainée par l’aquifère   Paléocène (flux qui s’oriente vers l’ouest) tandis qu’une autre partie continue dans la direction nord.
L’utilisation de marqueurs isochrones combinée à la technique du « particle tracking » a permis de vérifier assez bien les transferts dans la molasse et le temps de transferts dans la partie est de la zone (voir chapitre 3.5.3 du manuscrit). Dans la zone sud, le fonctionnement de l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques est beaucoup plus complexe, en particulier dans le secteur sud-est du fait des flux importants en provenance de la nappe   du Paléocène.
Sur cette zone, le flux important en provenance du Paléocène se combine à un flux beaucoup plus faible venant du front nord pyrénéen et de l’éponte molassique (figure 3).
Ainsi, les flux qui « alimentent » ce secteur des Sables Infra-Molassiques proviennent :

  • de l’aquifère   du Paléocène et de l’aquitard séparant les deux aquifères   quand il est présent (flux vertical) pour 76%,
  • de l’éponte molassique (flux vertical) pour 17%,
  • du front nord pyrénéen (flux horizontal) pour 7%.

Le modèle hydrogéologique vient en complément du modèle géochimique et permet de mieux comprendre le fonctionnement dans ce secteur. La géochimie avait suggéré l’existence d’échanges dans cette zone pour expliquer la chimie des eaux, mais le modèle hydrogéologique permet de les quantifier et de fournir une explication du fonctionnement.

Figure 3 : Schéma conceptuel 3D du fonctionnement de l'aquifère des Sables Infra-Molassiques de la zone sud - secteur estFigure 3 : Schéma conceptuel 3D du fonctionnement de l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques de la zone sud - secteur est


Quelques exemples de fonctionnement de systèmes aquifères   de grands bassins sédimentaires

Sous des conditions climatiques arides, au nord de l’Afrique notamment, personne ne s’étonne que les grands aquifères   ne soient plus rechargés actuellement. Par exemple, la recharge du grand système aquifère   nubien au nord-est de l’Afrique a pris place durant les périodes humides passées, l’âge des eaux indiquant que celle-ci s’est déroulée autour de la fin du Pléistocène (avant 2 000 ans B.P.) et durant l’Holocène entre 14 000 ans B.P. et 4 000 ans B.P.[THORWEIHE et HEINL (2002)]. Un modèle numérique a été réalisé, ayant pour objectif de montrer l’échelle des temps de réaction vis-à-vis des changements climatiques. Les résultats indiquent que l’équilibre n’est pas encore atteint depuis le dernier créneau de recharge, il y a 4 000 ans environ (dernière recharge imposée sur le modèle) [THORWEIHE et HEINL (2002)]. Le temps de réaction de ce système est donc très long et celui-ci n’est donc pas à l’équilibre avec les conditions actuelles.
Pour le Bassin   Parisien, « la charge s’ajuste rapidement aux modifications de ses conditions aux limites dans les aquifères  . Les temps de mise à l’équilibre sont en revanche beaucoup plus longs dans les formations les moins perméables, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers d’années, en fonction de la diffusivité hydraulique » [JOST (2005)]. Toujours selon le même auteur : « les stades interglaciaires des derniers cycles climatiques d’une durée de l’ordre de 10 ka sont alors suffisamment courts pour ne pas permettre l’établissement d’un régime permanent. Aujourd’hui, le système n’est donc probablement pas à l’équilibre avec le climat et les conditions de surface actuels et son état transitoire est une conséquence des intervalles glaciaires antérieurs ».
Le système multicouche sud-aquitain montre une réponse rapide en terme de transfert de pression dans les aquifères   puisque la dernière perturbation encore visible sur la nappe   des Sables Infra-Molassiques, sous la forme d’une baisse piézométrique   naturelle liée à sa vidange, correspond au Petit Age Glaciaire qui s’est terminé il y a environ 150 ans.

Quelles perspectives à ce travail ?

Le régime transitoire actuel a été mis en évidence ainsi que la dernière grande phase de recharge qui s’est déroulée à la suite du Dernier Maximum Glaciaire ; la dernière baisse piézométrique   étant liée au Petit Age Glaciaire.
Il est aujourd’hui raisonnable de penser que le comportement de nombreux systèmes aquifères   multicouche profonds de grands bassins sédimentaires est fondamentalement dépendant des variations climatiques de forte amplitude sur le long terme et peut ainsi s’approcher de celui du Bassin   Sud-Aquitain.
Néanmoins, ce type de modélisation à long terme ne peut être totalement contraint en raison de l’absence de données quantitatives sur les cycles et les valeurs de recharge passés.
Les données doivent donc être approchées par le biais de disciplines annexes à l’hydrogéologie telles que la géochimie des eaux (isotopes, gaz rares, . . . ), la géologie (recherche de paléotraces sur le terrain liées aux fluctuations des nappes  , . . . ), la paléoclimatologie (susceptible d’apporter des éléments de réponses quant aux phases d’humidité et de sécheresse et donc de recharge), etc. . . . Ainsi, le modèle que nous avons proposé a pu être contraint à l’aide des résultats de ces différentes disciplines.

Quelques pistes pour développer ce modèle
Une étape supplémentaire dans le calage du modèle pourrait vraisemblablement être franchie en utilisant les paramètres géochimiques et les isotopes (carbone 14, oxygène 18 et deutérium, gaz rares . . . ) directement au sein du modèle, comme outils de calibration. Ceci nécessiterait une meilleure connaissance des paramètres géochimiques mais également hydrodynamiques, essentiellement sur les aquifères   sous-jacents mais aussi sur l’ensemble des épontes et notamment sur l’aquitard molassique.
Le développement plus poussé de la recherche dans les disciplines annexes précédemment citées pourrait permettre de contraindre encore le modèle et de mieux comprendre le fonctionnement des ces aquifères  .
Voici donc une liste non exhaustive des améliorations qui pourraient être menées en suppléments du travail sur les paramètres géochimiques et isotopiques dans le modèle :

  • en hydrogéologie :
    • une meilleure connaissance de l’aquifère   du Crétacé supérieur pourrait permettre de calibrer cette couche, le manque de données nous ayant contraints à ne proposer qu’une valeur moyenne de perméabilité   et de coefficient d’emmagasinement   pour celle-ci dans le modèle.
    • l’étude des transferts verticaux à travers la molasse permettrait d’affiner le modèle. Une meilleure connaissance géologique et hydrogéologique de l’éponte molassique aiderait grandement à la compréhension de la recharge de l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques par le biais de celle-ci. Des datations le long d’un transect vertical dans molasse pourraient également permettre de déterminer les temps de transit dans cette couche semi-perméable.
    • l’étude de l’impact des variations eustatiques sur l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques pourrait être améliorée avec une meilleure connaissance des relations entre l’aquifère   du Crétacé supérieur et de l’Océan Atlantique.
  • en paléo-hydrogéologie :la connaissance des variations de la position et de la hauteur des grès de Coudures en fonction du temps permettrait de déduire l’évolution des niveaux d’émergences sur le pourtour de la ride d’Audignon. Ces paléo-émergences pourraient ensuite être prises en compte comme niveau de base dans le modèle et ainsi apporter une approche nouvelle. Ceci nécessiterait de confirmer l’hypothèse émise, de prélever d’autres échantillons le long de cette structure et de les dater.
  • en géomorphologie : l’étude et la prise en compte de l’évolution géomorphologique susceptible de faire varier les conditions de recharge et de vidange des aquifères   pourraient être envisagées.
  • en paléoclimatologie : une incertitude liée à l’évolution de la recharge au cours du temps et donc aux conditions paléoclimatiques demeure. La modélisation à long terme pourrait être améliorée avec une meilleure prise en compte des fluctuations de la recharge en fonction des conditions paléoclimatiques en faisant appel aux outils de la paléoclimatologie (modèles climatiques par exemple).
  • en hydrologie : le réseau hydrographique (lié aux données géomorphologiques) ainsi que son évolution n’a pas été intégré mais pourrait l’être.


Des modèles locaux au droit de singularités hydrogéologiques
L’extension régionale du modèle fait que celui-ci ne peut résoudre ou expliquer le fonctionnement de points particuliers ; cela nécessiterait l’établissement de modèles locaux, c’est le cas au droit :

  • de zones sensibles comme les zones thermales (Barbotan, Castéra-verduzan, Eugénie-les-Bains . . . ),
  • de structures à faible potentiel de renouvellement (Garlin, Eugénie-les-Bains) qui montrent des eaux très âgées,
  • de la structure d’Audignon où de nombreuses sources semblent drainer les eaux de la nappe   des Sables Infra-Molassiques par le biais d’aquifères   relais,
  • de la flexure Celtaquitaine au sud de Gondrin où de nombreuses questions restent en suspens concernant les flux y circulant.


Dans l’état actuel, quelques applications pratiques du modèle
Hormis l’utilisation de ce modèle dans le cadre de simulations classiques pour l’étude de prélèvements, d’une mise en place d’un champ captant, la particularité de la prise en compte des conditions de température directement dans le modèle pourrait être exploitée. Ainsi, dans le cadre de cette étude, aucune analyse sur les transferts de chaleur n’a été effectuée.
De plus, ce modèle ainsi que les données établies (carte du gradient   géothermique et de températures au toits des aquifères  ) pourraient être exploités par exemple :

  • pour analyser les anomalies thermiques au droit des structures salifères,
  • pour étudier les phénomènes thermiques pouvant se produire au droit de certaines structures, en particulier autour des zones thermales (Barbotan notamment),
  • dans le cadre d’étude pour l’utilisation de l’énergie géothermique (potentiels géothermiques, simulation d’injection ou de doublet géothermique et évolution de champs géothermiques hypothétiques sur des zones raffinées). Ce dernier aspect pourrait être une évolution intéressante et appliquée de l’utilisation de ce modèle.

Pour terminer, la contrainte principale pour améliorer la compréhension du fonctionnement de l’ensemble multicouche sud-aquitain et en particulier de l’aquifère   des Sables Infra-Molassiques n’est pas d’ordre technique mais nécessite de lourds moyens d’investigation de par la complexité et la profondeur de ce système. Cela réclame également de se détacher de la vision d’un fonctionnement qui n’aurait débuté qu’avec l’exploitation anthropique de ces cents dernières années sur un système hydro dynamiquement stabilisé.

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